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AFP // A Grande Synthe, colère et impuissance

A Grande-Synthe, colère et impuissance une semaine après le démantèlement de la «Jungle»

Par AFP — 15 septembre 2018 à 09:01 (mis à jour à 18:37)

«Nous n’avons rien, nous ne savons rien», lâche Hasso, Kurde irakien de 20 ans. Une semaine après l’évacuation de la «Jungle» de Grande-Synthe (Nord), des centaines de personnes errent, à nouveau, sans accès aux services de base.

Ce jour-là, sous une pluie fine, environ 200 jeunes hommes, capuche sur la tête et vêtements humides, attendent un repas près d’une zone commerciale en périphérie de la ville.

La semaine dernière, les autorités ont évacué le campement de la gare de triage, un terrain au milieu d’un bois coincé entre autoroute, chemin de fer et locaux de la SNCF, où quelque 500 personnes s’étaient installées. Pour un total d’environ 650 à 700 sur la commune, selon les associations et la mairie.

L’accès au site est désormais fermé. Seuls des emballages en plastique jonchent le sol boueux, au côté de peluches et de ballons dégonflés.

«Malheureusement, il n’y avait que 500 places en centre d’hébergement; 200 personnes sont restées ici», à quelques centaines de mètres de l’ancien camp, explique à l’AFP le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême.

Résultat, «ils n’ont pas accès à l’eau, ils dorment dehors et ne peuvent pas prendre de douche», s’alarme Akim Toualbia, vice-président de l’association Drop Solidarité, qui s’occupe notamment du suivi des mineurs isolés et des hommes. «On a atteint un niveau grave car on ne leur propose absolument rien.»

– «Arrivées constantes» –

«Le camp de la gare devait s’arrêter, c’était inhumain et indigne», reconnaît Brice Benazzouz, coordinateur de Médecins du Monde. «Mais aujourd’hui, la situation est bien pire.» Et avec l’arrivée de l’automne, «on se dirige vers une catastrophe».

La problématique n’est pas nouvelle: l’évacuation du 6 septembre était la quatrième en quatre mois. Devant cette gestion de l’afflux migratoire, autorités locales et associations se disent excédées.

En août, Damien Carême a écrit une lettre au Premier ministre Edouard Philippe pour appeler l’Etat à agir, courrier resté sans réponse selon lui.

«Il faut créer des lieux de répit sur tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord», répète M. Carême. «On me dit que cela risque de faire un appel d’air. Mais ils sont des centaines déjà là…», poursuit-il, soulignant qu’«une gêne commence à s’instaurer» auprès des 22.000 habitants de cette ville jouxtant Dunkerque.

L’urgence est telle que le maire se dit prêt à rouvrir le camp de la Linière, détruit par un incendie en 2017.

De son côté, la préfecture du Nord assure avoir procédé à une centaine de «mises à l’abri» cette semaine et souligne que «la pression migratoire a été divisée par deux depuis fin août».

«Les arrivées sont constantes», réplique M. Benazzouz. «Le sous-préfet se met le doigt dans l’oeil en pensant résoudre un problème à un instant T, mais il faut trouver une solution sur le long-terme.»

– Vêtements et couvertures –

Devant l’urgence, la mairie a fait installer un point d’eau en fin de semaine. Mais «la situation empire car de nouvelles familles continuent d’arriver chaque jour», en plus des retours de ceux évacués le 6 septembre, constate Akim Toualbia, dénombrant désormais 500 exilés.

Faute de solution pérenne, une quinzaine d’associations – françaises et étrangères – se relaient pour distribuer nourriture, vêtements et couvertures. Des cliniques mobiles tentent de traiter les problèmes de santé.

Loukman, commerçant kurde irakien de 38 ans, dit avoir quitté sa ville natale de Souleimaniyeh avec son fils de neuf ans pour soigner un cancer du colon en Angleterre.

«L’hôpital de ma ville ne reçoit pas de fonds de l’Etat», explique cet homme à la barbe grisonnante, en soulevant sa chemise pour dévoiler une poche de stomie fixée sur son estomac. «Je n’avais pas les moyens de payer une clinique privée et le temps m’est compté, alors je suis parti.»

Loukman dit avoir bénéficié d’un hébergement médical pendant deux nuits. «Maintenant, je suis de retour dehors et je ne sais pas quoi faire.»

Bastamag // Je ne suis pas trop habituée à dire à un gamin de 15 ans qu’il va dormir dehors

https://www.bastamag.net/Je-ne-suis-pas-trop-habituee-a-dire-a-un-gamin-de-15-ans-qu-il-va-dormir-dehors

« Je ne suis pas trop habituée à dire à un gamin de 15 ans qu’il va dormir dehors »

par Marcia Burnier 12 septembre 2018

Marcia Burnier est assistante sociale dans le droit des étrangers, au sein d’un centre de santé associatif pour exilés. Les enfants et adolescents étrangers isolés qui arrivent en France doivent obligatoirement passer par un dispositif saturé qui évalue leur minorité, avant de pouvoir être hébergés et pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Souvent refusés, ces adolescents font ensuite appel au juge pour enfants qui décide soit de les protéger, soit de les déclarer majeurs, soit d’ordonner des expertises osseuses et des vérifications de leurs documents d’État civil. C’est le cas d’Aliou, 15 ans. Voici son histoire, racontée par Marcia.

« Marcia je veux faire du roller. »

Aliou vient d’avoir 15 ans, une tête d’enfant et un sourire collé sur la face. Sa maman est morte au Mali. Avec son père ça ne se passait « pas très facile », il est donc venu tout seul en France. Il a traversé le Sahara et la Méditerranée à 14 ans, et quand on lui demande, il dit que « c’était dur », « un peu ». La première fois que je l’ai vu, il dormait à la gare du Nord, dehors, et il crevait de froid. Il attendait son rendez-vous à la Croix-Rouge pour être évalué, pour qu’un travailleur social fasse un rapport concernant sa « minorité », pour vérifier son âge, son isolement, pour décider s’il relevait de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou des rues parisiennes.

J’en vois passer peu des mineurs isolés. Cela devait être le premier au boulot, quelqu’un était venu passer sa tête dans mon bureau pour me dire « il y a un mineur isolé, faut que tu le voies, c’est la procédure » et j’avais un peu paniqué. Je ne suis pas trop habituée à dire à un gamin de 15 ans qu’il va dormir dehors, alors on a pris le temps de voir ce qu’on pouvait faire, à grand renfort de sourires qui se voulaient très rassurants mais qui devaient sans doute être un peu gênants. Au bout de quelques minutes, persuadée d’avoir eu un coup de génie, j’ai téléphoné à la CRIP, la cellule du département qui recueille les informations préoccupantes sur les enfants en danger. Notre conversation s’est à peu près déroulée comme ceci :

« – Il dort à la rue ? Oulala bien sûr, on va signaler ça au procureur, qu’est ce qui lui est arrivé ?
– Il vient du Mali, il est arrivé il y a trois jours.
– ….
– ….
– Ah mais madame, s’il est étranger, nous on s’en occupe pas, il faut qu’il aille se faire évaluer, et en attendant on ne peut rien faire. S’il est venu jusqu’ici, c’est qu’il est solide. »

Je lui ai raccroché au nez et j’ai fait un grand sourire pas rassurant du tout à Aliou. On a regardé les vêtements qu’on gardait en cas d’urgence dans les grosses boites sous la table pour voir si je pouvais lui trouver une veste et un bonnet. Je lui ai donné plein d’adresses pour aller manger et un rendez-vous pour la semaine d’après. En attendant, il allait dormir dans la gare, emmitouflé dans les trois pulls que je lui avais donnés.

J’ai fini par comprendre qu’on pouvait l’envoyer chez le juge pour enfants avant ce fameux rendez-vous d’évaluation. Le juge lui a donné six mois d’hébergement le temps de vérifier ses dires et ses documents. Le pire, c’est que j’ai compris plus tard qu’il avait été chanceux, que des gamins comme lui qui restaient des mois à la rue, il y en avait plein, ceux qui trainaient au centre Médecins sans frontières de Pantin, d’autres qui partaient dans d’autres départements, d’autres qui finissaient par mentir et se déclarer majeur pour tenter d’être hébergés en faisant une croix sur l’école. Et, surtout, d’autres qui disparaissaient du jour au lendemain, sans donner de nouvelles.

Une fois hébergé, j’ai cru que tout allait s’arranger. On était en février, il avait 15 ans, il était tout seul dans cet hôtel social de Drancy sans rien faire de la journée. J’ai pensé naïvement qu’il serait scolarisé facilement. Il aura fallu l’intervention de plusieurs bénévoles tenaces pour qu’en avril suivant, Aliou fasse sa rentrée au collège, comme un fou, avec les trois stylos et quatre cahiers que j’avais piqués au boulot pour ses fournitures scolaires.

Depuis, il passe régulièrement, il se plaint des spaghettis bolognaises servis quatre fois par semaine à l’hôtel et de son éducatrice de l’ASE qui ne fait rien. Il vient répéter ses exposés et me montrer ses devoirs. On discute de tout et de rien, du collège, de ses copains. Moi j’ai la boule au ventre parce que c’est bientôt les vacances d’été, et que je ne sais pas ce qu’il va foutre pendant ses journées d’été sans un centime dans la poche.

Aujourd’hui, il a une nouvelle obsession : Aliou veut faire du roller, et accessoirement de l’athlétisme. Il me répète qu’il veut courir, le 400m, alors on s’y met à deux, on cherche un club, on passe des dizaines de coups de fil à des personnes très gentilles qui me disent que le prix à l’année est de 400 euros pour l’adhésion et la licence, on raccroche des dizaines de fois en souriant un peu forcé, « si si on va trouver t’inquiète pas ». On n’a toujours pas trouvé, mais ce matin, Aliou m’annonce que le juge a demandé des tests osseux pour vérifier son âge, des tests dont la référence est une étude de 1930 avec comme population, des enfants blancs et bien nourris et il a l’air soucieux. Aujourd’hui, aucun de nous deux ne sourit.

Marcia Burnier

Photo de couverture : Carole Grand, photogramme tiré du documentaire Les Portes d’Arcadie (2015).

Lire aussi :

- Ces simples citoyens qui sauvent l’honneur d’une République en faillite morale en ouvrant leurs portes aux exilés

- Rozenn Le Berre : « Combien de temps les jeunes migrants vont-ils supporter les injustices et l’arbitraire ? »

Tribune MSF dans le Monde // de l’Etat passoire à l’ Etat passeur?

https://www.msf-crash.org/fr/publications/de-letat-passoire-letat-passeur

Tribune publiée sur Le Monde

De Daniel Cohn-Bendit à Marine Le Pen, en passant par Emmanuel Macron, nombreux sont les responsables politiques qui dénoncent une prétendue collusion entre les organismes d’aide aux migrants (des humanitaires) et les passeurs (des criminels). Les uns exercent leurs activités en pleine lumière, les autres agiraient dans l’ombre mais tous s’associeraient pour faire franchir en toute illégalité les frontières.

Passeur est donc un terme qui mérite clarification afin de dégager la réalité de l’aura mystérieuse qui l’enveloppe. Pour ouvrir une frontière à un candidat à l’exil, encore faut-il en avoir le contrôle. Dans ces zones frontalières, disputées et parfois dangereuses, les no man’s land n’existent pas et ceux qui y exercent le pouvoir le font les armes à la main. Qui détient les armes ? Les membres des forces de l’ordre, régulières (douane, gendarmerie, police, armée…) ou irrégulières (milices ou bandes armées pour les pays, comme la Libye, où l’Etat est faible).

Nous ne nions pas ici qu’il existe bien des artisans du contournement des postes frontières qui échappent au contrôle des fonctionnaires ou des miliciens. Mais comparée aux centaines de milliers de personnes qui empruntent les « autoroutes migratoires » contrôlées par les autorités, cette pratique artisanale reste marginale.

Comment savons-nous que les passeurs sont le plus souvent des fonctionnaires et non de mystérieux criminels ? Parce que les Médecins sans frontières (MSF) parcourent ces routes de l’exil depuis plus de quarante ans. Dans les quelques situations où il ne nous a pas été possible d’obtenir les autorisations préalables, ces frontières, nous ne les avons jamais franchies seuls. A chaque fois, nous avons formulé notre demande aux représentants locaux des forces de l’ordre. Dans certains cas, nous les avons soudoyés. En effet, le passage de frontières est une activité pour laquelle il existe un marché.

Des courtiers et des passeurs

Le plus souvent, des intermédiaires qualifiés à tort de passeurs proposent leurs services d’entremetteurs entre les voyageurs et ceux, les véritables passeurs – en grande majorité des fonctionnaires –, qui ont le pouvoir de les laisser poursuivre leur périple. Les services de ces intermédiaires ne sont pas ceux d’un passeur. Ils sont ceux d’un courtier. Pour saisir la nuance et en comprendre l’intérêt, il suffit de se souvenir de la différence entre le courtier en assurances et l’assureur. Seul ce dernier possède le pouvoir de verser une indemnité à l’assuré.

Dans notre expérience, le plus souvent, c’est le représentant des autorités qui dispose du pouvoir de faire passer la frontière. N’en déplaise à Matteo Salvini, le ministre italien de l’intérieur, c’est bien la marine italienne qui amène en Italie la majorité des personnes qui traversent la Méditerranée. L’entrée des navires affrétés par les organisations non gouvernementales dans les ports des pays riverains de la mer Méditerranée est quant à elle soumise à l’accord des autorités. Et ce sont bien des fonctionnaires italiens qui, à Vintimille et dans les Alpes du Sud, facilitent les départs pour la France.

Mais dans ce domaine, l’exemple le plus frappant est sans conteste celui de l’année 2015, qui a vu la Turquie ouvrir le passage vers l’Europe à près d’un million de personnes. Nous avons assisté ensuite à la création de voies de migration de masse pour que ces populations en mouvement puissent arriver dans les Etats disposés à les accueillir, notamment l’Allemagne et la Suède. Puis les portes se sont refermées à la suite de décisions prises par les Etats concernés, en commençant par la Turquie, puis les pays de transit des Balkans et, enfin, les Etats constituant les destinations finales.

Tout cela n’est pas le fait de mystérieux passeurs et encore moins celui d’une connivence entretenue avec les humanitaires. Cette implication massive des fonctionnaires des Etats dans la gestion des vagues de migrations explique que les passeurs, unanimement dénoncés, ne soient presque jamais arrêtés. Quand un réseau est démantelé, les affaires continuent ou reprennent vite. Les passeurs réels que sont les forces de l’ordre remplacent vite un intermédiaire, un courtier, par un autre.

Double commerce

En réalité, les passages clandestins contournant les postes de douane sont rares parce que les Etats qui contrôlent leurs frontières en font un double commerce, économique et politique. Comment pourraient-ils dédaigner les retombées financières qu’une telle activité génère ? Si les soi-disant passeurs touchent des centaines de milliers d’euros, les Etats, eux, brassent des milliards de subventions pour réguler les passages. Ces sommes importantes, rendues disponibles pour gérer les migrations, alimentent ainsi tout un secteur économique.

Ce n’est pas nouveau, ce marché porte un nom : le trafic d’êtres humains. Les bénéfices n’en sont pas uniquement financiers. Et les résultats des élections en Europe montrent que la manipulation démagogique des migrations est devenue un bon moyen d’accéder à la tête de l’Etat.

Les perdants de ces petits jeux de pouvoir et d’intérêts sont ceux qui meurent en chemin, subissent les violences et survivent dans la misère. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre le 1er janvier 2014 et le 30 juillet 2018, 5 773 corps ont été retrouvés et on a comptabilisé 11 089 personnes disparues en mer Méditerranée.

Ces migrants souffrent et disparaissent pour que les pays de départ, de transit et d’installation puissent optimiser ce qu’ils perçoivent comme les gains que leur participation à l’économie politique de ce trafic d’êtres humains leur octroie. En Méditerranée, cette pratique se renouvelle en se perpétuant depuis des siècles.

Que penser des dirigeants politiques à la tête des Etats qui aujourd’hui prétendent y mettre un terme dans les plus brefs délais et dénoncent les ONG comme complices d’une activité dont ils sont pourtant les principaux exploitants ?

ROMEUROPE // 37 expulsions de squat et bidonvilles cet été

Communiqué de presse

37 EXPULSIONS DE SQUATS ET BIDONVILLES CET ÉTÉ :
POUR RÉSORBER LES BIDONVILLES, IL EST URGENT DE CHANGER DE CAP

Paris, le 7 septembre 2018

Une expulsion tous les trois jours entre juin et août 2018. Ce ne sont pas moins de 37 squats ou bidonvilles où vivaient plusieurs centaines de personnes qui ont été détruits en Ile-de-France, dans le Nord, les Bouches-du-Rhône, la Loire Atlantique ou encore à Lyon et Toulouse. Sur la même période, 26 lieux de vie avaient été expulsés en 2017.

Un rythme effréné contredisant l’instruction du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des bidonvilles, qui préconise de travailler « le plus tôt possible à l’accompagnement des personnes vers la sortie, dans le but d’une résorption complète de ces campements ». Pourtant, la grande majorité des expulsions de cet été n’a pas été suffisamment anticipée : absence de concertation préalable avec les habitants, refus des autorités de dialoguer avec des acteurs associatifs, absence de diagnostic social, etc. Dans ces conditions, elles se soldent immanquablement par une absence de proposition adaptée d’hébergement ou de relogement. Et la reconstruction de nouveaux bidonvilles !

Pire, certaines expulsions sont exécutées en dehors de tout cadre légal ou sans respecter la procédure. Les juges tendent de plus en plus à condamner l’Etat pour « voie de fait » et à accorder des dommages et intérêts aux personnes expulsées, à l’instar du tribunal de grande instance de Nanterre concernant une expulsion à Gennevilliers en juin dernier 1.

Pour autant, les conséquences d’une expulsion, mesure brutale par nature, sont bien souvent irréparables. Ainsi, pour les enfants, en plus de traumatismes psychologiques souvent graves, elles sont trop souvent synonymes de déscolarisation ; l’errance contrainte dans laquelle elles placent leurs familles faisant généralement obstacle à leur maintien à l’école. Autant de temps perdu qu’aucune indemnité ne permettra de rattraper…

Il existe néanmoins des solutions alternatives à l’expulsion « sèche » des habitants de bidonvilles et squats qui commencent à être mises en oeuvre sur certains territoires avec des résultats très encourageants. Pour que ces solutions deviennent la norme, elles doivent être intégrées à une politique de résorption des bidonvilles et des squats cohérente et concertée avec l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les personnes concernées.

C’est le sens de l’instruction du 25 janvier 2018, qui tarde à être appliquée sur de nombreux territoires alors que les associations comme les habitants sont prêts à accompagner sa mise en oeuvre. Il est urgent d’agir pour mettre en pratique le changement de cap engagé par ce texte, et ce dans l’intérêt des habitants de bidonvilles, de leurs voisins, et de l’ensemble de la société !

Le CNDH Romeurope

1 Voir le communiqué de presse des Bâtisseurs de cabanes, 5 septembre 2018, http://www.romeurope.org/a-gennevilliers-letat-condamne-pour-destruction-illegale-dun-bidonville/

 

Interpellations sur Facebook par TENF sur la situation des MNA de Fouquières

La lettre de Terre d’Errance à AHI (avec copie au département) a fait effet:
Après plus de 6 mois de retard, les mineurs ont enfin un rendez-vous au CIO pour passer des tests de connaissances, afin de leur proposer la meilleure orientation scolaire possible.
Ce rendez-vous pour les test est une première étape vers qui scolarisation qui n’aura pas lieu ce lundi.
Il est bien tard: les jeunes en ont assez d’attendre, ils se disent fatigués d’entendre que bientôt, promis, ils iront à l’école où ils pourront se dessiner un avenir.
Ces mineurs isolés ne vont pas bien.
Certains ne sont même plus en colère mais sont désabusés. Ils nous parlent de retourner dans les rues de Calais – avec tous les risques de violences (policières et autres) que cela implique – pour de tenter le périlleux passage vers la Grande Bretagne ou ils espèrent être mieux accueillis et reconnus qu’en France.
En juin déjà, nous les avons encouragés à ne pas retourner à la rue, à attendre la rentrée scolaire…
Aujourd’hui que pouvons-nous leur dire d’autre que « attendez encore un peu » en espérant que ces tests auront bien lieu et qu’ils seront rapidement suivis de d’inscription dans des établissements scolaires ?

NON SCOLARISATION des mineurs hébergés à Fouquières les Béthune: LAISSEZ-LES ALLER A L’ÉCOLE !

Terre d’Errance a été interpellée par les jeunes mineurs étrangers qui sont hébergés depuis mars 2017 à l’hôtel Sunset de Fouquières les Béthune, dans les mêmes locaux que des adultes demandeurs d’asile (nous nous étonnons qu’il soit possible d’héberger des mineurs et des adultes ensemble).

Les adolescents (tous des garçons) demandent depuis des mois à être scolarisés et il est désormais certain que leurs noms ne seront pas appelés ce lundi de rentrée scolaire: aucune classe ne les attend.
Si les mineurs de moins de 16 ans seront enfin scolarisés (après plus de 6 mois d’attente), rien ne semble être mis en place pour les jeunes de plus de 16 ans alors que les textes officiels stipulent que tout doit être fait dans ce sens.

Nous avons écrit à l’Association Habitat et Insertion (à qui le Conseil Général a demandé d’accompagner ces jeunes), pour faire part de notre inquiétude et nous n’avons reçu aucune réponse officielle à ce jour.
Les travailleuses sociales et travailleurs sociaux nous disent que le CIO a été trop débordé pour recevoir ces jeunes, que le centre académique qui devrait leur faire passer les tests d’évaluation était fermé cet été ou qu’ils et elles ne pensaient pas que les mineurs seraient encore là aujourd’hui.

…mais les jeunes ne sont pas si nombreux (une vingtaine), ils sont là et demandent à être scolarisés depuis le mois de mars, ils n’ont RIEN à faire de leurs journées et qu’ils soient hébergés/scolarisés ici ou ailleurs, il faut d’abord passer ces tests…
Nous ne comprenons pas et nous sommes inquiet-e-s.

à suivre…

RTBF // l’impossible évacuation du camp de migrant.e.s de Grande Synthe

https://www.rtbf.be/info/monde/detail_france-l-impossible-evacuation-du-camp-de-grande-synthe?id=10016004

Grande-Synthe: la survie, dans l'attente de mieux en Angleterre

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Grande-Synthe: la survie, dans l’attente de mieux en Angleterre – © W. Fayoumi

500 à 800 personnes, hommes, femmes et enfants en majorité des Kurdes irakiens, vivaient en bordure de l’autoroute, dans un amas de tentes et d’abris de fortunes, sous les bois derrière la gare de la petite agglomération.

Aujourd’hui, ces centaines de migrants sont toujours là, mais leurs conditions de vie se sont drastiquement dégradées.

La plupart du temps, les forces de police se bornaient régulièrement à prendre en charge certains migrants pour les éloigner de la côte, et les réinstaller dans d’autres villes. Les destructions de tentes et les confiscations de biens étaient aussi, d’après les personnes sur place, monnaie courante.

Jeudi cependant, l’objectif des policiers était plus précis: empêcher toute installation dans le périmètre. A cet effet, les points d’eau et les 3 douches mis à disposition des migrants par la marie de Grande-Synthe ont aussi été démontés.

Les associations tirent la sonnette d’alarme. Le démantèlement du camp n’a pas éloigné les migrants. Ils sont désormais livrés à eux mêmes dans les bois, la situation sanitaire est catastrophique, et le problème ne fait que s’aggraver.

Plusieurs associations continuent à aller sur place. L’association Salam distribue toujours des repas une fois par jour. Elles tirent la sonnette d’alarme: la situation sanitaire est périlleuse: « Sur ce camp, il y avait des douches qui étaient mises à disposition, elles étaient sur des plateaux mobiles qui étaient apportés dans la journée, il y avait quelques toilettes même s’il n’y en avait pas assez, explique Josette Vanst, retraitée et bénévole à l’association Salam. Il y avait surtout des points d’eau pour laver le linge et faire sa toilette. Et là il n’y a plus rien de tout ça« .

Il y a toujours des familles et de jeunes enfants qui sont là. « Nous avons revu par exemple une fillette au bras dans le plâtre, qui était là la semaine dernière« , ajoute Josette Vanst. « C’est du harcèlement! ce matin il y avait un avion qui tournait pour les localiser, avec des infrarouges nous a-t-on dit. On ne veut pas de camps, ça a été clairement dit. Mais la solution de les déplacer et de les mettre en centres d’hébergement, on voit bien que ça ne fonctionne pas. ils reviennent… » D’autant plus que plusieurs ont déjà payé cher leur passage en Angleterre, et que d’autres ne veulent pas être renvoyés dans le premier pays de leur arrivée, comme le prévoit la règle de Dublin, explique Josette Vanst.

Le maire de Grande-Synthe, Damien Carême, se dit dubitatif face à ces expulsions répétées. Il estime quant à lui qu’il faut réinstaller les personnes présentes dans la région. Il plaide pour un centre d’urgence, affecté à l’accueil et à l’orientation.

Ce mardi, les associations ont rencontré la sous-préfecture, qui a organisé l’évacuation, pour faire part de leurs inquiétudes.

France Bleu // Pour les migrant.e.s, le maire de GS demande des lieux de répits à l’Etat, sinon il rouvrira La Linière

https://www.francebleu.fr/infos/politique/pour-les-migrants-le-maire-de-grande-synthe-demande-des-lieux-de-repit-a-l-etat-sinon-il-rouvrira-la-1535991815

Pour les migrants, le maire de Grande-Synthe demande des lieux de répit à l’État, sinon il rouvrira La Linière

lundi 10 septembre 2018Par Matthieu Darriet,

Damien Carême, le maire de Grande-Synthe a écrit au Premier ministre, pour demander de l’aide. Il demande l’ouverture de plusieurs petits centre d’accueil, d’une centaine de réfugiés, sur tout le littoral. Si rien n’est fait avant l’hiver, il prendra ses responsabilités de maire.

Grande-Synthe, France

Ils ont été jusqu’à 800, en plein cœur de l’été. A Grande-Synthe, dans le Dunkerquois, 550 migrants ont été évacués et mis à l’abri, jeudi dernier (le 6 septembre 2018). Ils étaient regroupés sur un terrain près de l’autoroute A16 et de la gare. Mais ils reviennent déjà, et d’autres arrivent, si bien que leur nombre ne baisse pas. Il s’agit de Kurdes, qui, pour beaucoup, viennent d’Allemagne où leur demande d’asile a été rejetée, ou bien directement depuis l’Italie.

Grande-Synthe/Calais : deux poids, deux mesures

À Grande-Synthe, contrairement à Calais, l’Etat n’apporte aucune aide humanitaire vitale – eau, toilettes et nourriture – à ces réfugiés. Tout leur accompagnement est assuré par la ville et les bénévoles des associations. C’est inéquitable et illégal, dénonce Damien Carême. Le maire écologiste de Grande-Synthe demande la création, avant l’hiver, de plusieurs petits lieux de répit sur tout le littoral. Sinon, il agira :

Je suis prêt à tout, parce que j’ai des obligations et que je veux préserver la population de la ville et ces populations de passage.

L’élu poursuit : « Je prendrai mes responsabilités. S’il faut rouvrir La Linière, c’est ce que j’ai dit au Premier ministre, je le ferai. C’était une solution, certes ce n’est pas celle que je préconise, faire un camp n’est pas une solution, mais on a dû répondre à une urgence humanitaire. Depuis le temps que le problème se pose, je considère que ce n’est plus une urgence, cela devrait être une politique de fond mise en œuvre par l’Etat. »

L’autre solution serait de multiplier les mises à l’abri organisées de migrants, pas seulement quelques grosses opérations, sous pression policière, comme jeudi dernier. Il faudrait des départs tous les jours, pour Damien Carême.

Infomigrants // Des pécheurs tunisiens poursuivis pour avoir tracté des migrant.e.s jusqu’en Italie

Surpris en train de tirer une embarcation de migrants vers l’Italie, des pêcheurs tunisiens -dont un militant connu localement- ont été écroués en Sicile. Une manifestation de soutien a eu lieu en Tunisie et une ONG essaie actuellement de leur venir en aide.

Des citoyens tunisiens sont descendus dans la rue lundi 3 septembre à Zarzis, dans le sud du pays, pour protester contre l’arrestation, par les autorités italiennes, de six pêcheurs locaux. Ces derniers sont soupçonnés d’être des passeurs car ils ont été « surpris en train de tirer une barque avec 14 migrants à bord en direction de [l’île italienne de] Lampedusa », indique la police financière et douanière italienne.

La contestation s’empare également des réseaux sociaux, notamment avec des messages publiés demandant la libération des six membres d’équipage parmi lesquels figurent Chamseddine Bourassine, président de l’association des pêcheurs de Zarzis. “Toute ma solidarité avec un militant et ami, le doyen des pêcheurs Chamseddine Bourassine. Nous appelons les autorités tunisiennes à intervenir immédiatement avec les autorités italiennes afin de le relâcher ainsi que son équipage”, a écrit lundi le jeune militant originaire de Zarzis Anis Belhiba sur Facebook. Une publication reprise et partagée par Chamesddine Marzoug, un pêcheur retraité et autre militant connu en Tunisie pour enterrer lui-même les corps des migrants rejetés par la mer.

Sans nouvelles depuis quatre jours

Un appel similaire a été lancé par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, par la voix de Romdhane Ben Amor, chargé de communication de cette ONG basée à Tunis. Contacté par InfoMigrants, il affirme n’avoir reçu aucune nouvelle des pêcheurs depuis près de quatre jours. “On ne sait pas comment ils vont. Tout ce que l’on sait c’est qu’ils sont encore incarcérés à Agrigente en Sicile. On essaie d’activer tous nos réseaux et de communiquer avec nos partenaires italiens pour leur fournir une assistance juridique”, explique-t-il.

Les six pêcheurs ont été arrêtés le 29 août car leur bateau de pêche, qui tractait une embarcation de fortune avec 14 migrants à son bord, a été repéré -vidéo à l’appui- par un avion de Frontex, l’Agence européenne de garde-côtes et garde-frontières.

Selon une source policière italienne citée par l’AFP, les pêcheurs ont été arrêtés pour “aide à l’immigration clandestine” et écroués. Le bateau a été repéré en train de tirer des migrants, puis de larguer la barque près des eaux italiennes, à moins de 24 milles de Lampedusa, indique la même source.

Mais pour Romdhane Ben Amor, “la vidéo de Frontex ne prouve rien”. Et de poursuivre : “Chamseddine Bourassine, on le connaît bien. Il participe aux opérations de sauvetage en Méditerranée depuis 2008, il a aussi coordonné l’action contre le C-Star [navire anti-migrants affrété par des militant d’un groupe d’extrême droite]”. Selon Romdhane Ben Amor, il est fort probable que le pêcheur ait reçu l’appel de détresse des migrants, qu’il ait ensuite tenté de les convaincre de faire demi-tour et de regagner la Tunisie. N’y parvenant pas, le pêcheur aurait alors remorqué l’embarcation vers l’Italie, la météo se faisant de plus en plus menaçante.

La Tunisie, pays d’origine le plus représenté en Italie

Un nombre croissant de Tunisiens en quête d’emploi et de perspectives d’avenir tentent de se rendre illégalement en Italie via la Méditerranée. D’ailleurs, avec 3 300 migrants arrivés entre janvier et juillet 2018, la Tunisie est le pays d’origine le plus représenté en Italie, selon un rapport du Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) publié lundi.

La Méditerranée a été « plus mortelle que jamais » début 2018, indique également le HCR, estimant qu’une personne sur 18 tentant la traversée meurt ou disparaît en mer.

A Gennevilliers, l’état condamné pour destruction illégale d’un bidonville

http://www.romeurope.org/a-gennevilliers-letat-condamne-pour-destruction-illegale-dun-bidonville/

“L’Etat condamné pour destruction illégale d’un bidonville”

Communiqué co-signé par Les Bâtisseurs de cabane, le Mouvement du 16 mai et la Ligue des droits de l’Homme

C’est une victoire qui nous encourage à poursuivre notre travail pour l’égalité et la justice pour tous. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a condamné l’Etat à indemniser des personnes expulsées de leur habitat précaire, car la police avait mené l’expulsion en dehors de tout cadre légal, se livrant ainsi à une voie de fait.

C’était en juin dernier, que la police s’était rendue dans un petit bidonville à Gennevilliers et avait expulsé de force les trois familles qui y habitaient depuis quelques semaines. Ceci, sans qu’aucune décision ne l’autorise à mener une telle opération. Les policiers avaient usé de la force face aux arguments des habitants et d’un militant associatif, arguments tirés de la loi. Nous savons que dans une démocratie, la loi doit être la même pour tous, qu’elle protège ou qu’elle punisse. Or tel n’a pas été le regard des policiers. Dans le feu de la violence, ils ont emporté aussi un groupe électrogène qui fournissait l’électricité à cette poignée de cabanes.

FORCE DOIT RESTER A LA LOI!

Et c’est ce qui s’est passé. Avec notre aide et celle de l’association “Bâtisseurs de cabanes”, les expulsés ont saisi la justice et le Défenseur des droits. Le 13 août dernier, le Tribunal de Grande Instance a été condamné l’Etat pour avoir détruit ces habitats en dehors de toute décision légale, qu’elle soit le fait d’une juridiction ou d’une administration compétente. C’est ce qu’en langage juridique on appelle une “voie de fait”, et qui en clair désigne un comportement trop éloigné de ce qu’on peut attendre d’une autorité publique.

Pour se défendre, le représentant de l’Etat contestait l’existence même de l’expulsion. Le Tribunal a rejeté cet argument en s’appuyant sur un témoignage faisant état d’une installation en date du 30 mai 2018 dont l’existence est confirmée par des photographies postées sur la page Facebook de l’Association des Bâtisseurs de cabanes ce même jour. Le Tribunal souligne que les cabanes étaient occupées jusqu’au 5 juin et qu’elles ne le furent plus ensuite à la suite d’une opération de police dont l’existence est prouvée par le témoignage direct des familles et un témoignage indirect. En conséquence le Tribunal condamne l’Etat pour voie de fait caractéristique d’un trouble manifestement illicite, cette opération d’expulsion ayant été faite sans respect des règles, en particulier sans le jugement nécessaire au-delà du délai de 48 h.

En revanche le Tribunal estime que le groupe électrogène qui, selon les habitants, a été pris par la police, ne peut être restitué du fait du manque de preuve de son existence sur le site, malgré la facture présentée. Les familles, soutenues par l’association « Les Bâtisseurs de cabanes » et par le « Mouvement du 16 mai », portent encore l’affaire devant le Défenseur des Droits.

Cette décision rappelle que la police ne peut porter atteinte au droit des personnes à la protection de leurs domiciles, même précaires, sans respect des règles.

La multiplication de ce type d’expulsions résulte d’une ethnicisation pour des raisons de politique électoraliste d’un problème qui n’est que la partie immergée de l’iceberg du mal-logement, les bidonvilles. Il est plus facile de trouver un peuple bouc émissaire que de résoudre le véritable problème. Localement, les forces de police se sentent donc parfois autorisées à faire des bidonvilles des zones de non-droit.

La seule politique acceptable est de proposer des solutions de logement digne et devrait faire partie d’une politique plus vaste de résorption du mal-logement. L’instruction du gouvernement du 25 janvier 2018 « visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles » prend pour objectif la résorption des bidonvilles par l’accompagnement des personnes. Dans la réalité, le ministère de l’intérieur s’oppose à sa mise en application, en expulsant les habitants des bidonvilles avant la mise en place des mesures d’accompagnement. Ceci même en contournant la loi s’il le faut. Les associations signataires soutiennent les familles dans leurs démarches et continueront de veiller avec vigilance au respect des droits des personnes menacées d’expulsion.

 

Les bâtisseurs de cabanes * Le Mouvement du 16 mai * La Ligue des droits de l’Homme

Santé des migrant.e.s : les préjugés ont la vie dure

 

17 décembre 2017, 22:06

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018, dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site fetedelascience.fr


Les polémiques récurrentes, en France, sur le nombre de migrant.e.s et leur légitimité favorisent les idées reçues autour de leur santé. La journée internationale des migrants organisée par les Nations-Unies, le 18 décembre, est l’occasion de les examiner de plus près.

Ainsi, les migrant.e.s apporteraient des maladies en France ; les « campements » seraient des foyers d’épidémies ; ils ou elles viendraient profiter de notre système de santé ; ils ou elles coûteraient cher à la Sécurité Sociale.

Ces préjugés masquent une réalité bien différente, plus complexe aussi, parfaitement décrite dans la littérature scientifique. Plus grave, ces préjugés peuvent être utilisés comme arguments pour promouvoir des politiques publiques qui vont à l’encontre de nos valeurs et engagements nationaux et européens, comme le rappelait le Défenseur des droits, Jacques Toubon, dans son rapport remis en 2016 sur « les droits fondamentaux des étrangers en France ».

Première idée reçue : les migrant.e.s apporteraient des maladies en France

Historiquement, les études sur la santé des immigré.e.s ont montré un effet de sélection par la « bonne santé » des candidat.e.s à la migration. Cela se traduit par un meilleur état de santé des immigré.e.s comparé aux personnes nées en France, du fait notamment de la moindre fréquence relevée de maladies chroniques. Depuis les années 2000 cependant, cet effet est moindre et l’on observe que l’état de santé des immigré.e.s, sur le territoire français, se dégrade avec la durée de leur résidence. Cette évolution est principalement liée à des conditions de vie moins favorables, qu’il s’agisse du logement, du travail, de l’accès aux services, aux biens ou encore aux soins.

Les migrant.e.s vulnérables, c’est à dire en majorité sans couverture santé et sans logement stable, consultent notamment dans les centres de santé des ONG ou dans les permanences d’accès aux soins de santé (les PASS) au sein des hôpitaux. Chez Médecins du Monde, par exemple, les principaux motifs de consultation sont les pathologies digestives, respiratoires et ostéo-articulaires.

Selon les pays d’origine, on observe une prévalence (une fréquence) plus élevée chez les migrant.e.s que dans le reste de la population générale pour certaines infections sexuellement transmissibles (VIH, hépatites) et pathologies de la précarité (tuberculose). Elles sont aussi liées aux parcours migratoires et aux conditions d’accueil en France.

A leur arrivée à la clinique mobile de Médecins sans frontières, à Paris, les migrants sont enregistrés et orientés en fonction de leurs besoins médicaux. Matthieu Tordeur/MSF, CC BY-NC-NDSi la santé physique des migrant.e.s est plutôt bonne, au moins à leur arrivée, on observe cependant chez 1 personne sur 5 en situation de migration contrainte des troubles psychiques liés aux violences qu’elle a pu subir. Dans une étude portant sur la période de 2012 à 2016 citée dans l’ouvrage collectif consacré à la santé des populations vulnérables, 62 % des personnes accueillies par le Comité pour la santé des exilés, ou Comede, ont déclaré avoir subi des violences, 14 % des tortures et 13 % des violences liés au genre ou à l’orientation sexuelle.

Deuxième idée reçue : les « campements » de migrant.e.s seraient des foyers d’épidémies

C’est l’indignité de ces campements qui est en cause lorsque les conditions de vie ne permettent pas de satisfaire aux besoins fondamentaux, tels que l’accès à l’eau potable, aux douches et aux latrines.

Une étude publiée en septembre dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France a porté sur les campements de Calais et de Grande-Synthe, dans le nord. Elle montre un lien important entre trois facteurs : les pathologies détectées, les caractéristiques sociodémographiques des personnes et les conditions d’installation des camps. Ainsi, la gale a été un motif constant de consultation à Calais, où les conditions d’hébergement étaient très éloignées des normes sanitaires internationales. Plusieurs cas de tuberculose ont également été détectés (et traités) dans la population de ce campement, composée essentiellement d’hommes jeunes venant de la corne de l’Afrique.

Le camp de Grande-Synthe (Nord) et ses baraques en bois installées par Médecins sans frontières. Nicolas Beaudoin/MSF, CC BY-SAA l’inverse aucun cas de tuberculose n’a été retrouvé à Grande Synthe durant l’année de l’étude, dans une population composée de familles venant du Moyen-Orient et dans un camp établi par Médecins sans frontières et aux normes du Haut commissariat aux réfugiés. Ainsi ce sont avant tout les conditions de précarisation qui induisent la circulation de pathologies transmissibles, un phénomène que l’on observe également dans la population sans domicile fixe.

Troisième idée reçue : les migrant.e.s viendraient profiter de notre système de santé

En France, il existe un dispositif qui permet à certaines personnes d’être régularisées du fait de leur état de santé, la procédure dite « étrangers malades ». Depuis 2003, le nombre de personnes bénéficiant de cette procédure reste stable, autour de 6 000 par an, selon l’ouvrage déjà cité, La santé des populations vulnérables.

Le droit à une couverture santé est corrélé au titre de séjour. Tous les migrant.e.s n’y ont pas droit. Les ouvertures de droit sont complexes, liées à des pratiques diverses des administrations et requérant différents justificatifs. Plus de 90 % des patient.e.s dans les centres de santé de Médecins du Monde n’ont pas de couverture santé, selon le rapport de l’ONG déjà cité.

Quand les droits sont ouverts, les études montrent un moindre recours aux soins et un plus fort taux de renoncement aux soins par les immigré.e.s, comparés aux natifs. Les difficultés financières figurent parmi les premières raisons invoquées, selon les études publiées en 2012 sur « l’état de santé et recours aux soins des immigrés en France » dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire.

De plus, les migrant.e.s font face à des discriminations dans l’accès aux soins et leur qualité, selon l’ouvrage publié en 2014, Les immigrés en France.

L’étude Parcours, menée en 2012 et 2013 sur les migrant.e.s sub-saharien.ne.s en Ile-de-France, montre que la grande majorité des personnes interrogées ne connaissaient pas leur statut sérologique en arrivant en France. De plus, près de la moitié des personnes séropositives dans cette population ont été contaminées par le VIH une fois en France. Ces données laissent penser que, de manière plus générale, la motivation des migrant.e.s qui arrivent sur notre territoire n’est pas de se faire soigner en France.

L’enjeu pour les politiques publiques n’est donc pas de s’attaquer à un « tourisme médical » largement fantasmé, ni même à la fraude, mais bien de travailler à un meilleur accès aux soins et au suivi pour les migrant.e.s. Cela passe par l’information sur l’organisation de notre système de santé, ainsi que des moyens en interprétariat et médiation. La prise en charge doit être réalisée avant que l’état de santé de la personne ne se dégrade et n’entraîne des dépenses plus importantes.

Quatrième idée reçue : les migrant.e.s coûteraient cher à la Sécurité Sociale

Le dispositif de l’Aide médicale d’Etat (AME) est destiné à prendre en charge les dépenses de santé des personnes en situation irrégulière sur le territoire, présentes depuis plus de trois mois. Toutefois le dispositif est complexe et là encore, il est difficile pour les intéressés de faire valoir leurs droits, comme le montre notre étude publiée en 2016 dans Public health reviews.

Consultation le 9 novembre 2017 dans une clinique mobile de Médecins sans frontières avec Bachir, un soudanais de 29 ans arrivé depuis quelques jours à Paris. Matthieu Tordeur/MSF, CC BY-NC-NDPour 2018, le projet de loi de finances prévoit pour l’AME des crédits de 923,7 millions d’euros, en augmentation de 13 % par rapport à 2017, pour faire face aux sous-budgétisations récurrentes. En valeur absolue, ce montant peut paraître important. Mais rapporté à l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (l’ONDAM) en 2018 qui a été fixé le 4 décembre 2017 par le législateur à 195,2 milliards, le dispositif correspond seulement à 0,47 % de ce total.

Régulièrement remise en cause, l’AME a fait l’objet de plusieurs rapports des inspections générales. Chaque fois, les enquêteurs ont conclu à la nécessité de conserver ce dispositif, et même de l’améliorer pour permettre de ne pas retarder des soins qui, de toutes manières, seront prodigués.

Par ailleurs, contrairement à une idée souvent véhiculée, la consommation de soins des migrant.e.s ne diffère pas fondamentalement de celle de la population générale, comme le montre l’étude publiée en 2011 dans la Revue européenne de géographie.

Les bénéfices économiques d’une intervention précoce dans une population en situation irrégulière ont été montrés dans une étude publiée en 2015 par l’Agence européenne pour les droits fondamentaux. Les chercheurs ont fait ces calculs pour trois pays (Suède, Allemagne et Grèce) et pour deux pathologies (l’hypertension et les soins prénataux). Leur constat est clair. Non seulement il n’est pas acceptable, sur le plan éthique, d’attendre qu’un problème de santé devienne une urgence pour le traiter, mais en plus, c’est un investissement rentable. Les économies vont de 9 % jusqu’à 69 %, selon les pathologies et les pays.

Par ailleurs, la lenteur croissante des processus d’installation des migrant.e.s, en France, a un effet délétère sur leur santé. En effet, selon l’étude Parcours déjà citée, après 5 à 6 ans en France, seulement la moitié des migrant.e.s originaires d’Afrique Sub-Saharienne ont un titre de séjour d’au moins un an, un logement autonome et un emploi qui leur permette de subvenir à leurs besoins. Au bout de 11 à 12 ans en France, un quart d’entre eux n’ont toujours pas accès à ces trois conditions de bonne intégration.

Ces obstacles à des conditions de vie correctes font écho à l’avis rendu le 16 octobre par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) sur « santé des migrants et exigence éthique ». Dans ce texte, le Comité affirme que la santé des migrant.e.s « ne doit en aucun cas pouvoir être instrumentalisée, notamment en maintenant de mauvaises conditions sanitaires comme outil de refoulement ». Un rappel salutaire.