http://www.romeurope.org/a-gennevilliers-letat-condamne-pour-destruction-illegale-dun-bidonville/
“L’Etat condamné pour destruction illégale d’un bidonville”
Communiqué co-signé par Les Bâtisseurs de cabane, le Mouvement du 16 mai et la Ligue des droits de l’Homme
C’est une victoire qui nous encourage à poursuivre notre travail pour l’égalité et la justice pour tous. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a condamné l’Etat à indemniser des personnes expulsées de leur habitat précaire, car la police avait mené l’expulsion en dehors de tout cadre légal, se livrant ainsi à une voie de fait.
C’était en juin dernier, que la police s’était rendue dans un petit bidonville à Gennevilliers et avait expulsé de force les trois familles qui y habitaient depuis quelques semaines. Ceci, sans qu’aucune décision ne l’autorise à mener une telle opération. Les policiers avaient usé de la force face aux arguments des habitants et d’un militant associatif, arguments tirés de la loi. Nous savons que dans une démocratie, la loi doit être la même pour tous, qu’elle protège ou qu’elle punisse. Or tel n’a pas été le regard des policiers. Dans le feu de la violence, ils ont emporté aussi un groupe électrogène qui fournissait l’électricité à cette poignée de cabanes.
FORCE DOIT RESTER A LA LOI!
Et c’est ce qui s’est passé. Avec notre aide et celle de l’association “Bâtisseurs de cabanes”, les expulsés ont saisi la justice et le Défenseur des droits. Le 13 août dernier, le Tribunal de Grande Instance a été condamné l’Etat pour avoir détruit ces habitats en dehors de toute décision légale, qu’elle soit le fait d’une juridiction ou d’une administration compétente. C’est ce qu’en langage juridique on appelle une “voie de fait”, et qui en clair désigne un comportement trop éloigné de ce qu’on peut attendre d’une autorité publique.
Pour se défendre, le représentant de l’Etat contestait l’existence même de l’expulsion. Le Tribunal a rejeté cet argument en s’appuyant sur un témoignage faisant état d’une installation en date du 30 mai 2018 dont l’existence est confirmée par des photographies postées sur la page Facebook de l’Association des Bâtisseurs de cabanes ce même jour. Le Tribunal souligne que les cabanes étaient occupées jusqu’au 5 juin et qu’elles ne le furent plus ensuite à la suite d’une opération de police dont l’existence est prouvée par le témoignage direct des familles et un témoignage indirect. En conséquence le Tribunal condamne l’Etat pour voie de fait caractéristique d’un trouble manifestement illicite, cette opération d’expulsion ayant été faite sans respect des règles, en particulier sans le jugement nécessaire au-delà du délai de 48 h.
En revanche le Tribunal estime que le groupe électrogène qui, selon les habitants, a été pris par la police, ne peut être restitué du fait du manque de preuve de son existence sur le site, malgré la facture présentée. Les familles, soutenues par l’association « Les Bâtisseurs de cabanes » et par le « Mouvement du 16 mai », portent encore l’affaire devant le Défenseur des Droits.
Cette décision rappelle que la police ne peut porter atteinte au droit des personnes à la protection de leurs domiciles, même précaires, sans respect des règles.
La multiplication de ce type d’expulsions résulte d’une ethnicisation pour des raisons de politique électoraliste d’un problème qui n’est que la partie immergée de l’iceberg du mal-logement, les bidonvilles. Il est plus facile de trouver un peuple bouc émissaire que de résoudre le véritable problème. Localement, les forces de police se sentent donc parfois autorisées à faire des bidonvilles des zones de non-droit.
La seule politique acceptable est de proposer des solutions de logement digne et devrait faire partie d’une politique plus vaste de résorption du mal-logement. L’instruction du gouvernement du 25 janvier 2018 « visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles » prend pour objectif la résorption des bidonvilles par l’accompagnement des personnes. Dans la réalité, le ministère de l’intérieur s’oppose à sa mise en application, en expulsant les habitants des bidonvilles avant la mise en place des mesures d’accompagnement. Ceci même en contournant la loi s’il le faut. Les associations signataires soutiennent les familles dans leurs démarches et continueront de veiller avec vigilance au respect des droits des personnes menacées d’expulsion.