CheckNews par Marie Thimonnier, publié le 7 février 2022 dans Libération
L’aide aux demandeurs d’asile s’élève en moyenne à 206 euros par mois pour les personnes bénéficiant par ailleurs d’un hébergement gratuit. Ce qui contrevient à ce qu’a dit le candidat d’extrême droite, lors de son meeting à Lille.
Question posée par Célia le 7 février,
Vous nous interrogez au sujet d’une déclaration d’Eric Zemmour à propos des aides distribuées aux demandeurs d’asile. Lors de son meeting à Lille, le 6 février, Eric Zemmour a clamé : «Savez-vous qu’en plus d’un hébergement gratuit et de soins gratuits, nous donnons à chaque demandeur d’asile pendant près d’un an une carte bancaire créditée de 430 euros par mois.» Une déclaration publiée et largement reprise par les soutiens du candidat sur les réseaux sociaux.
Le candidat d’extrême droite évoque ici l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), mise en place en novembre 2015. Cette aide financière de l’Etat est versée à une personne majeure ayant déposé une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou disposant d’un titre de séjour délivré en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire ou d’étranger victime de proxénétisme ou de la traite des êtres humains. L’Ofpra a enregistré 132 614 demandes d’asile en 2019, selon les chiffres du ministère de l’intérieur.
Le versement de l’ADA est conditionné au fait d’accepter les modalités matérielles d’accueil de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), parmi lesquelles un hébergement dans une structure d’accueil. L’ADA prend la forme d’une carte bancaire sur laquelle un montant est déposé tous les mois.
L’ADA est, depuis des années, l’objet de nombreuses contre-vérités de la part de l’extrême droite. CheckNews y a déjà consacré de nombreux articles
Environ 206 euros par mois
En France, le montant forfaitaire journalier de l’allocation varie en fonction de la composition familiale. Une personne sans enfant bénéficie de 6,80 euros par jour, soit 206,83 euros en moyenne par mois. Ce montant atteint 37,80 euros journaliers pour un foyer composé de 10 personnes.
A cela peut s’ajouter un autre montant lié au logement. Un demandeur peut en bénéficier s’il a «accepté l’offre de prise en charge, a manifesté un besoin d’hébergement» mais «n’a pas bénéficié gratuitement d’un hébergement (ou logement)», peut-on lire sur le site du gouvernement. Ce soutien journalier supplémentaire s’élève à 7,40 euros et vient compléter le premier montant. En revanche il reste fixe, peu importe le nombre de personnes dans le foyer.
Un demandeur peut donc toucher jusqu’à 14,20 euros par jour, s’il n’a pas pu être hébergé dans le cadre du dispositif d’accueil. Soit 431 euros par mois. Cette aide est versée jusqu’à la décision définitive concernant la demande d’asile.
111 901 allocataires en 2021
Contrairement à ce que dit Eric Zemmour, qui affirme que ces 430 euros mensuels s’ajoutent à un hébergement gratuit, le montant n’est versé que quand le demandeur, précisément, n’a pas pu bénéficier d’un logement gratuit. A l’inverse, dès lors qu’un demandeur d’asile s’est vu fournir un logement gratuit, l’aide aux demandeurs d’asile se cantonne au premier montant forfaitaire, soit environ 206 euros par mois.
Selon Didier Leschi, directeur général de l’Ofii, «au maximum 30 % des demandeurs d’asile bénéficient de l’aide maximale». Au 31 décembre 2021, le nombre d’allocataires de l’ADA était de 111 901, selon les données transmises par l’Ofii à CheckNews. Parmi les bénéficiaires, «seuls 33 % étaient non hébergés dans le dispositif national d’accueil qui constitue le parc d’hébergement dédié à l’accueil des demandeurs d’asile», détaille Didier Leschi.
Selon les données de la Drees pour 2019, le montant moyen perçu par foyer bénéficiaire au titre de l’ADA était d’environ 400 euros. Ce montant intègre l’aide de base, l’éventuelle aide complémentaire de logement, mais aussi l’éventuelle majoration du montant selon la composition du foyer.
Directive européenne
A noter que l’aide aux demandeurs d’asile n’a rien d’une spécificité française, et que les Etats membres de l’Union européenne sont soumis à des normes communes en matière de politique d’asile, depuis l’entrée en vigueur du régime d’asile européen commun (Raec) en 1999. La directive 2013/33/EU, en date du 26 juin 2013, encadre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et conditionne notamment l’aide matérielle.
«Les Etats membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale. Lorsque les Etats membres octroient les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, le montant de ceux-ci est fixé en fonction du ou des niveaux établis dans l’Etat membre concerné, soit par le droit, soit par la pratique, pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants», dispose ainsi l’article 17 de la directive.