Mineur isolé étranger : la France condamnée par la CEDH pour « traitement dégradant »
Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du jeudi 28 février dénonce la non-prise en charge d’un enfant afghan qui a vécu six mois dans le bidonville de Calais.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France dans un arrêt du 28 février pour avoir infligé un « traitement dégradant » à un mineur isolé afghan lorsqu’il était en France, entre 2015 et 2016. Cet enfant âgé de onze ans à l’époque, n’avait pas été pris en charge par les autorités. Il avait vécu environ six mois dans le bidonville de Calais, avant de rejoindre l’Angleterre, où il est désormais installé.
« La Cour n’est pas convaincue que les autorités ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection (…) s’agissant d’un mineur isolé étranger en situation irrégulière, c’est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société », résume la CEDH dans un communiqué de presse, publié jeudi.
Le mineur s’est trouvé « dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant et dans une précarité inacceptable au regard de son âge », souligne la juridiction européenne, qui rappelle « l’insalubrité » et l’« insécurité » de la « jungle » de Calais.
Mise à l’abri non effective
En novembre 2015, la justice avait enjoint l’Etat à recenser tous les mineurs isolés présents dans le Pas-de-Calais et à les confier à l’aide sociale à l’enfance (ASE) en vue de leur placement. Pour le jeune Afghan requérant, cette mise à l’abri n’a pas été effective puisque « le conseil général s’est borné à organiser des maraudes composées de personnes peu formées et dépourvues de traducteurs qui n’ont pas permis de préparer des démarches de placement ».
Aidé par des ONG, le jeune Afghan a, finalement, saisi le juge des enfants qui a ordonné en février 2016 son placement provisoire à l’ASE. Une décision non suivie d’effet, alors même que le démantèlement du bidonville était entamé, et donc la destruction de la cabane où il vivait. Pour le gouvernement, le jeune ne s’est pas présenté à eux. La Cour n’a pas été convaincue par cet argument et souligne que les « réticences » des mineurs n’exemptent pas les pouvoirs publics d’assumer leur mission de mise à l’abri, malgré la complexité de la tâche.
En mars 2016, le mineur a rejoint l’Angleterre où il a été pris en charge par les services britanniques de l’aide à l’enfance. Les associations dénoncent régulièrement le défaut de prise en charge des mineurs isolés étrangers en France.
Le Monde, par Julia Pascual Publié aujourd’hui à 12h04, mis à jour à 12h04