Le 20 décembre, le camp de migrants de Saint-Martin-lez-Tatinghem, limitrophe de Longuenesse, était démantelé après une dizaine d’années d’existence. Quelques semaines après seulement, les migrants sont de retour. Une quinzaine d’entre eux se sont installés à 300 mètres de l’ancien camp, sur un terrain qui appartient au centre hospitalier d’Helfaut.
Par Aïcha Noui Photos Johan Ben Azzouz | Publié le 08/02/2018
Les pelles mécaniques avaient pourtant détruit toutes les installations de fortune qui se trouvaient sur leur passage le 20 décembre. Un mois et demi plus tard, une quinzaine de migrants ont investi un nouveau lieu, une déchetterie qui appartient à la ville de Longuenesse à 300 mètres seulement de l’ex-camp dit de Tatinghem. Là, à l’abri d’un bosquet, au milieu des déchets inertes, vivent une quinzaine de migrants essentiellement des Afghans mais aussi des Kurdes d’Irak. Une petite dizaine de tentes colorés jonchent le sol depuis déjà trois semaines.
Une quinzaine de migrants, essentiellement des Afghans mais aussi des Irakiens vivent dans ce camp de fortune à l’abri d’un bosquet, au milieu des champs.
Un baraquement fait avec des palettes de bois, garni de quelques victuailles amenées par les associations, achève un décor bien précaire.
Un baraquement en bois, des tentes colorés qui jonchent le sol, un nouveau camp de migrants est né à Longuenesse.
« Ici depuis bien trop longtemps »
En face, la vue depuis les tentes est dégagée. À un kilomètre à vol d’oiseau, s’étend une lignée de maison de briques. Le contraste est saisissant avec le campement où les conditions de vie sont rudes. Mido, un Irakien âgé de 24 ans, le visage encore endormi, fatigué par ces nuit où il tente le passage en Angleterre, sort la tête de son abri de fortune. « Il fait très froid aujourd’hui. » Il enfile ses chaussures et se dirige vers le baraquement en bois pour faire du feu dans un gros tonneau en ferraille. « C’est très long, on met une heure pour faire du feu. » Cet ex-étudiant ingénieur a vécu des mois dans l’ex-camp de Tatinghem avec toujours un seul but en tête, l’Angleterre. « Je suis ici depuis bien trop longtemps, explique-t-il. J’ai déjà réussi à passer une fois, mais les Anglais m’ont renvoyé en Allemagne car j’ai été dubliné* là-bas. »
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Reconstitution d’un camp de migrants à Longuenesse à 300 mètres de l’ex-camp de Tatinghem démantelé il y a seulement quelques semaines, en décembre dernier.
Rejoint par son ami afghan dans le baraquement, Salah, un Afghan arrivé il y a trois semaines, Mido se met à chanter en kurde : « Pourquoi m’as-tu laissé seul dans cette vie ? » C’est ainsi qu’il s’adresse à Dieu désormais. « Mon pays me manque mais je ne peux pas y retourner. Depuis la guerre en 2003, c’est l’enfer là-bas. Et depuis, on est obligés de vivre comme des animaux. Ce n’est pas une vie. » Et malgré les difficultés, les migrants de ce petit camp ont choisi de rester ici, de revenir pour certains après le démantèlement, parce qu’ici, clairement, « ce n’est pas Calais. C’est calme. Et puis, il n’y a pas de politiques et les gens sont accueillants. Ça reste une jungle mais au moins, on est tranquilles. »
Mido, un Irakien âgé de 24 ans, estime être là depuis trop longtemps déjà. Il restera là jusqu’à son départ en Angleterre.
*Le terme « dubliné » fait référence au règlement Dublin, adopté par l’Union européenne en 2013, qui oblige les migrants à demander l’asile dans le premier pays européen ayant enregistré leurs empreintes.
Quid des migrants du camp démantelé
Entre 20 et 40 personnes vivaient dans l’ex-camp de Tatinghem. Quelques jours avant le démantèlement, ils n’étaient qu’une trentaine.
À la veille du démantèlement, le 20 décembre, seul deux migrants avaient accepté de monter dans un bus prévu pour rejoindre le centre d’accueil et d’examen des situation (CAES) de Belval.
Une dizaine de migrants avaient été interpellés et confiés à la police aux frontières de Coquelles, une quinzaine d’autres avaient réussi à passer en Angleterre. Les autres s’étaient évaporés dans la nature pour mieux revenir.
L’État prend les devants
– Intervention de la police
Une opération de police a eu lieu mercredi matin dans ce nouveau camp situé à Longuenesse. Trois migrants ont été interpellés et placés en garde à vue. D’ailleurs, une plainte pour occupation illicite du terrain a été déposée au commissariat de police de Saint-Omer par le propriétaire du terrain ainsi que par un agriculteur dont le terrain est traversé par des migrants. « Les services de l’État ont connaissance d’une infraction très récente caractérisée par l’implantation d’une dizaine de tentes et de deux abris sur un terrain appartenant au centre hospitalier de Saint-Omer », explique-t-on à la sous-préfecture de Saint-Omer.
– Bientôt des maraudes
Le sous-préfet de Saint-Omer voudrait éviter que « ce squat ne se transforme en campement et ne perdure dans le temps ». Des maraudes seront organisées dès la semaine prochaine auprès des migrants du camp de Longuenesse pour les convaincre d’accepter des offres d’hébergement dans l’un des trois centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) du département dont Croisilles et l’Abbaye de Belval à Troisvaux.