La voix du Nord // La jungle de Grande Synthe vidée de ses 550 migrant.e.s

http://www.lavoixdunord.fr/443655/article/2018-09-06/la-jungle-de-grande-synthe-videe-de-ses-550-migrants

Une vaste opération d’évacuation de la « jungle » de Grande-Synthe se déroule depuis ce matin. Près de 550 migrants ont été pris en charge, soit pour rejoindre des centres d’accueil, soit pour échouer en garde à vue pour ceux qui ne souhaitent pas effectuer des démarches de demande d’asile, en restant illégalement sur le territoire.

Alexis Constant | 06/09/2018

Signe que la situation est devenue de plus en plus tendue, ce jeudi vers 5 h 30, trois coups de feu ont retenti sur l’ancien camp de la Linière. Selon une source policière, trois migrants auraient été visés. Ils n’ont pas été blessés. Le tireur, un passeur présumé, a pris la fuite.

C’est environ une demi-heure plus tard que le dispositif d’évacuation programmé depuis plusieurs semaines s’est mis en place. Environ 300 policiers ont pris leurs quartiers autour de la « jungle » de Grande-Synthe.

Les forces de l’ordre ont encerclé le campement sauvage, installé depuis le printemps entre Emmaüs et la gare de triage. Elles interviennent conformément à une décision de justice rendue le 9 juin par le tribunal de grande instance (TGI) de Dunkerque  : saisi par la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD), propriétaire du terrain occupé sans autorisation, le tribunal a en effet donné son feu vert pour procéder à l’expulsion.

L’opération s’est déroulée dans le calme. Les familles ont été prises en charge en priorité. Vingt et un bus ont été affrétés. Toutes ont accepté des mises à l’abri pour prendre la direction des centres d’accueil et d’hébergement situés dans la région, mais aussi à Toulouse et Montpellier. Tôt ce jeudi matin, on dénombrait environ 550 migrants éparpillés dans les bois, alors que leur nombre est estimé à 700 à Grande-Synthe et dans ses environs. Deux cents migrants seraient encore dans la nature.

Vers midi, la « jungle » était vidée de ses occupants. Les adultes isolés récalcitrants qui ont refusé les solutions d’hébergement ont été pris en charge par la police, direction les commissariats de la région. Une centaine d’entre eux aurait été placée en garde à vue. «  Il s’agit d’étudier la situation de chacun. Ceux qui n’ont rien à faire sur le territoire et refusent les demandes d’asile seront acheminés vers des centres de rétention ou feront l’objet d’une obligation de quitter le territoire  », a indiqué sur place Éric Étienne, le sous-préfet de Dunkerque.

À l’issue de cette évacuation, la CUD veut faire en sorte que plus aucun migrant ne puisse s’installer sur ce terrain. Les forces de l’ordre devraient être présentes quotidiennement pour quadriller les lieux et empêcher une nouvelle installation.

«  En réalité, ce campement était un bidonville. Il n’y a pas d’autre nom. On ne peut accepter cela sur notre territoire. Cela pose des problèmes d’insalubrité, de trouble à l’ordre public, de sécurité  », a déclaré le sous-préfet qui, plusieurs fois en visite dans la « jungle », décrit des conditions de vie épouvantables. Les familles vivaient les unes sur les autres, au milieu des rats, des ordures et des excréments.

Cette semaine, le syndicat Sud-Rail avait fait part de son inquiétude quant à la présence de migrants sur la voie ferrée, demandant à la SNCF de prendre des mesures rapidement avant qu’un drame ne survienne.

Les migrants ont trouvé ce point de fixation entre Emmaüs et la gare de triage, dès le printemps, après la trêve hivernale. Leur nombre était modeste à l’origine, entre 100 et 200 personnes. Mais au cours de l’été, malgré les opérations ponctuelles d’évacuation, l’afflux est devenu plus massif. Aussi, l’État a-t-il estimé qu’il fallait mettre fin à cette situation.

L’évacuation en chiffres

Parmi les 550 migrants présents dans la « jungle », 150 personnes se trouvaient en famille. 40 mineurs isolés ont été prise en charge. La population est constituée à 90 % de Kurdes irakiens. 84 % des demandes d’asile en France aboutissement favorablement pour cette population. Mais ils sont peu nombreux à vouloir effectuer cette démarche. Depuis le 1er janvier 2018, 3 940 mises à l’abri dans des centres d’accueil et d’hébergement (CAO) ont été effectués depuis Grande-Synthe. Depuis le début de l’année, 17 réseaux de passeurs ont été démantelés sur la circonscription de Dunkerque.

À Calais, entre 400 et 700 migrants

La préfecture du Pas-de-Calais dénombre aujourd’hui entre 400 et 450 migrants à Calais. L’association l’Auberge des migrants en compte entre 600 et 700, venus essentiellement du Soudan, d’Érythrée, d’Éthiopie et d’Afghanistan. «  Ils pourraient être un peu plus nombreux ces prochains jours suite au démantèlement de Grande-Synthe, où ce sont beaucoup d’Irakiens  », estime Christian Salomé, président de l’Auberge des migrants.

Les autorités l’assument : le mot d’ordre est qu’il n’y ait plus de point de fixation à Calais. «  Dès que quelques tentes sont posées quelque part, la police intervient. Ils font en sorte qu’ils ne puissent se mettent à l’abri  », dénonce Christian Salomé. «  Les migrants se cachent  ». Et viennent chercher à manger aux points de distribution désormais à la charge de l’Etat, comme l’a souhaité Emmanuel Macron. «  Peu refusent de s’y rendre et dans tous les cas nous complétons. Sur ce sujet, ça se passe bien.  »

  1. D.