fichier biométrique des mineurs

Fichier biométrique des mineur.e.s

L’article 51 prévoit la création d’un fichier biométriquecomportant photos et empreintes des jeunes demandant une protection en tant que mineur isolé pour « assurer un suivi plus rapproché des mineurs.. ». Le décret d’application lui, va bien au delà de l’objectif de la loi : il veut accélérer et rendre plus fiable l’évaluation de l’âge, lutter contre la fraude documentaire et contre la fraude à l’identité. Soit. Mais les moyens prévus pour cela semblent contraires aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés. Qu’on en juge : Il s’agit entre autre, d’empêcher un jeune de faire des demandes successives dans différents départements. Or les modalités d’accueil sont extrêmement différentes selon les départements, il est donc logique pour un jeune de tenter sa chance ailleurs… de plus, le jeune a pu, parfois se faire envoyer par la suite des documents, acte de naissance ou jugement, qu’il souhaite faire valoir dans une nouvelle demande. Il a pu aussi résider chez un tiers considéré, à tort ou à raison, comme un représentant légal, et voir sa demande refusée pour cette raison. Lorsque ce tiers ne l’héberge plus, il est logique qu’il fasse une demande à nouveau… Pouvoir renouveler une demande « dans l’intérêt supérieur de l’enfant » fait pourtant partie des recommandations du Conseil de l’Europe1.

Le projet de décret prévoit aussi de transférer le fichier établi par le Conseil Départemental en vue de la protection de l’éventuel mineur au fichier « étrangers » des préfectures lorsque la minorité est refusée. Cela permettrait de notifier au jeune, dès la fin de sa procédure d’évaluation de minorité, une OQTF (obligation de quitter le territoire français), voire une interdiction de retour sur le territoire. Et donc de l’expulser ! Ceci sur une simple évaluation administrative, sans que le jeune ait pu faire un recours auprès du juge des enfants, comme la loi le permet !

Les conditions de recueil d’empreintes et d’identité nécessaires à la demande de protection ne sont pas des conditions sereines et n’inspirent pas la confiance pour celui qui doit les les fournir : bien souvent, cela est fait au poste de police ou de gendarmerie, bien souvent sans interprète, sans explication sur ce à quoi cela doit servir. Impossible pour le ou la jeune de se sentir en confiance, d’autant plus que, pour la majorité, ils ou elles, ont subi, ou ont été témoins de violences ou d’abus de la part d’adultes, parfois des policiers au cours de leur périple. Il n’y a aucune mesure d’accompagnement ou de soutien prévue pendant la procédure pour ces jeunes particulièrement vulnérables. Il n’est pas prévu de respecter un secret professionnel pour des données à caractère pourtant personnel. Et l’information donnée au mineur est trop restreinte pour qu’il puisse donner son « consentement éclairé ». Même dans le cas favorable où les informations sont données dans la langue adéquate, l’information est donnée par écrit, ce qui ne convient pas à tous, il n’y a pas de temps prévu pour les questions, la réflexion, ou les conseils. Le refus du jeune de se soumettre à ce recueil est souvent rédhibitoire, et conduit à un refus de le reconnaître comme mineur.

Pourtant, là encore, selon le Conseil de l’Europe3, le refus de participer à une procédure de détermination de l’âge ne doit pas entraîner une décision sur l’ âge ou le statut.

Neuf associations2 ont déposé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) et le Conseil d’Etat a décidé le 16 Mai de transmettre cette demande au Conseil Constitutionnel « pour qu’il reconnaisse l’atteinte injustifiée et disproportionnée que ce fichier porte à l’exigence de l’intérêt supérieur de l’enfant et au respect de la vie privée ».

Comment pourrait on faire différemment ?

Le DDD (défenseur des droits) recommande la nomination d’un administrateur ad Hoc ou d’un tuteur provisoire. Le Comité des droits de l’enfant a appelé les Etats, et notamment la France, à considérer les mineurs non accompagnés comme des enfants en leur reconnaissant le bénéfice de la présomption de minorité  Ainsi, selon le Comité : « S’il existe des motifs de supposer qu’une personne dont l’âge est inconnu est un enfant, ou si une personne déclare être un enfant, cette personne doit se voir accorder le bénéfice du doute et doit être présumée être un enfant », et ce jusqu’à la fin de la procédure de détermination de l’âge.

Attendons l’avis du conseil constitutionnel….

1Conseil de l’europe, division des droits de l’enfant, détermination de l’âge : politiques, procédures et pratiques des Etats membres du conseil de l’europe respectueuses des droits de l’enfant, septembre 2017

2Anafé, Avocats sans frontières, GISTI, La Cimade, LDH, MdM,Secours catholique Caritas france, SAF, SM.

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