Expulsion du camp de Tatinghem – qu’en disent les bénévoles?

Le 16 décembre 2017, les Maires de St Martin les Tatinghem et de Longuenesse ont chacun pris un arrêté d’expulsion du camp d’exilés situé à la limite entre leur deux communes.

Le 19 décembre, le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a refusé de suspendre l’expulsion des habitants de ce campement et la destruction de leurs abris.

Le 20 décembre, alors que tous les exilés étaient partis, un bulldozer a tout détruit.

Voici deux communiqués de presse qui font part de la position de bénévoles qui venaient en soutien aux exilé.e.s (sur)vivant sur ce bidonville.


Tatinghem, 16/12 /2017

Deux arrêtés municipaux d’expulsion des habitants du campement de Tatinghem viennent d’être pris, suite à une mise en demeure du préfet du Pas de Calais. La destruction des abris pourrait avoir lieu dans 72 heures, soit mardi 19 décembre au matin.
Depuis
10 ans, des personnes exilées, principalement originaire de pays en guerre tel que l’Afghanistan et l’Irak, y survivent.
Les autorités auront donc attendu la période hivernale pour détruire le minimum d’abris que ces personnes avaient pu se construire au fil du temps. L’argument de la mise à l’abri n’est qu’un prétexte puisque l’on sait que, comme ailleurs (campement de Calais, Norrent Fontes, Steenvoorde), les personnes exilées, qui sont ici parce qu’elles souhaitent se rendre en Grande Bretagne, reviendront dans les jours ou les semaines qui viennent. Elles seront alors dans une situation encore plus précaire et dangereuse.
Nous, bénévoles qui soutenons les exilé.e.s de Tatinghem depuis des années aurions pu être consulté.e.s. Nous ne contestons pas les propositions de mise à l’abri qui ont pu exister cette dernière semaine, même si nous sommes en droit de nous demander pourquoi rien n’avait été proposé depuis si longtemps. En revanche, nous déplorons que la réalité, la situation individuelle et les souhaits des personnes ne soient pas au cœur des décisions qui sont prises. Nous aurions pu aussi permettre à ceux qui ont pris les décisions de rencontrer les personnes qui les subissent.
C’est pour faire entendre leur voix que des exilés vivant sur le campement vont saisir le Tribunal administratif contre la décision d’expulsion de leur habitat.
Nous espérons que les autorités attendront l’avis du juge avant d’envoyer les bulldozers, et si expulsion il doit y avoir, nous seront vigilants à ce que les personnes exilées ne subissent pas de violence.
Les échanges que nous avons pu avoir avec ces personnes depuis des années resteront pour longtemps dans le coeur de nombreux habitants de Tatinghem et des villes alentours.  Nous poursuivrons nos actions de soutien si elles font le choix de revenir ici ou de s’installer ailleurs.

Les bénévoles qui viennent en aide aux exilés de passage à Tatinghem


St Martin-les-Tatinghem, le 20.12.2017

Ce matin, à 8h heures, la destruction du campement de Tatinghem a débuté. Sont d’abord arrivés la police, des salariés de l’OFII et de la DDCS. Et à 9h40, intervenaient les bulldozers.

Ce camp, dans lequel vivaient des personnes exilées, présentes à Tatinghem, dans l’espoir de franchir la Manche et d’atteindre la Grande Bretagne, existait depuis 2007.

Les conditions de vie étaient indignes. Les associations l’ont dit à maintes reprises aux autorités municipales et préfectorales. Elles ont appelé à la mise en place de dispositifs permettant à ces personnes d’accéder à l’ensemble de leur droits fondamentaux. Et pourtant, pendant onze longues années, rien n’a été fait, pas même une discussion entre l’État, les Mairies de Longuenesse et Tatinghem, les associations, et les exilé.e.s. Rien.

Et tout à coup, en plein hiver, c’est l’urgence. Il faut à tout prix détruire les abris. Pourtant, nous le savons tous, et nous l’avons dit au juge des référés du Tribunal administratif de Lille mardi 19.12, cette destruction d’abris, sous couvert d’une mise à l’abri qui n’en a que le nom, est d’abord et avant tout une mise à la rue.

Ce matin, donc, les bulldozers se sont mis au travail. Le bus envoyé pour transporter les habitants loin de Tatinghem, loin des possibilités de passage vers la Grande Bretagne, est reparti vide. Les habitants, après avoir cherché à franchir la Manche au cours de la nuit, ne sont pas revenus. Où sont-ils ? Dans quelles conditions ont-ils passé la nuit ? Nous ne le savons pas, mais une chose est sûre, l’expérience nous l’a appris, l’expulsion des habitant.e.s et la destruction de leurs abris, loin d’être une mesure de protection est une mesure de précarisation, une mise en danger de l’intégrité physique de personnes qui vivaient déjà dans des conditions indignes.

Quand donc pourra-t-on enfin discuter de réelles solutions adaptées à tous ? Les Centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) ne peuvent être une solution acceptable que pour quelques rares personnes. Qui voudrait être mis à l’abri en sachant que l’objectif est de faciliter le transfert des personnes vers un autre pays européen ou même de les expulser dans leur pays d’origine ?

Nous le disons, seule une mise en place de ‘maison du migrant’, des lieux à taille humaine, installés là où sont les personnes, leur permettant d’accéder à leurs droits fondamentaux et à une information complète et impartiale, pourra apporter un morceau de la solution. Quoiqu’il en soit, toute solution valable ne pourra voir le jour que si cette réflexion nécessaire se nourrit de celle des personnes exilées.

Les bénévoles venant en soutien aux exilé.e.s de Tatinghem