Expulsion du camp de Norrent Fontes // Lettre de Julie Bonnier, avocate au Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Vous devez lire mon indignation.

Je suis auxiliaire de justice. Je défends à ce titre certains migrants de passage en France et notamment dans la région des Hauts de France.

Ce matin, à l’heure où j’écris ces lignes, je suis auxiliaire de non-justice !

Je défends les exilés vivant sur le camp de NORRENT-FONTES, ils ont été installés sur ce site depuis 2008 par le maire lui-même.

Ou plus exactement je croyais les défendre.

En 2016, le maire a exercé ses droits. Il a saisi le Tribunal de grande instance de BETHUNE d’une demande d’expulsion.

Par ordonnance du 12 Octobre 2016, le Juge a refusé cette expulsion.

Le maire avait le droit de faire appel, ce qu’il a fait.

Par arrêt du 6 avril 2017, la Cour d’appel de DOUAI a confirmé la décision de rejet de l’expulsion.

Le maire avait le droit de former un pourvoi en cassation. Il ne l’a pas fait.

Aussi, la vie a continué sur le camp et s’est stabilisée. 79 personnes y vivent aujourd’hui, dont 15 femmes et 11 mineurs.

Au petit matin de ce samedi 16 septembre, la gendarmerie est venue afficher un « arrêté prononçant l’expulsion d’office des occupants du camp (…) » donnant 48 heures à compter de cette publication sous forme d’affichage.

Nous nous sommes mobilisés en urgence malgré le week end, et avons déposé ce même samedi à 19h30 un recours en référé suspension au Tribunal administratif de Lille pour faire valoir les droits fondamentaux des exilés.

Nous avons faxé ce recours en urgence à l’ensemble des préfecture et sous préfectures de la région afin que le concours de la force publique ne soit pas prêté dès lundi. Nous avons joint la preuve de dépôt de notre recours.

Lundi matin 7 heures, mon recours est enregistré par le greffe et l’évacuation démarre…

Je ne peux donc assurer AUCUNE DEFENSE.

Le maire nous a donné 48 heures pour agir alors que les Tribunaux sont fermés durant les WE, les préfets ne lisent pas les fax urgents et le recours n’est JAMAIS suspensif.

Les droits fondamentaux des exilés sont ainsi évacués en 48 heures.

Dans notre Etat où l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle en vertu de notre constitution (article 66) ; le maire est passé outre un arrêt de la Cour d’appel en créant d’office son titre d’expulsion.

Ce déni des droits fondamentaux est indigne, contraire à l’Etat de droit !

Nos lois permettent aux autorités administratives de nier les décisions de justice et de prendre des décisions en réalité inattaquables. Aucune équité, nous n’avons aucun moyen de faire valoir les droits pourtant reconnus par le Juge judiciaire.

Monsieur le Président de la République, je vous demande d’entendre notre appel au respect du droit au procès équitable (art 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme).

Avec mes sentiments respectueux.

Julie BONNIER

Avocate associée