Défenseur des droits // Enquête sur les relations police / population

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Alors que le Conseil constitutionnel se prononcera le 24 janvier sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à la question des contrôles d’identité discriminatoires, le Défenseur des droits, qui sur le même sujet, a présenté en 2016 des observations remarquées devant la Cour de cassation[i], a publié le 20 janvier les résultats d’une enquête réalisée au cours de l’année 2016 sur les relations entre la police et la population dans le cadre des contrôles d’identité.

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a en effet souhaité disposer de connaissances fiables sur l’accès aux droits dans les situations qui relèvent de ses compétences (discriminations, droits de l’enfant, déontologie des forces de sécurité, relations avec les services publics). Il a donc réalisé une grande enquête, dénommée « Accès aux droits », dont le premier volet des résultats portant sur les rapports entre la police et la population est publié ce jour[ii].

Les autres résultats concernant les services publics, les droits de l’enfant et les discriminations seront rendus publics au cours du premier trimestre 2017.

Pour la première fois l’on dispose de données représentatives à l’échelle nationale sur les expériences de la population en matière de contrôles de police ou de gendarmerie.

Il est important de souligner que l’enquête met en évidence des relations globalement satisfaisantes entre la population et les forces de l’ordre, ainsi 82% des personnes interrogées disent faire confiance à la police.

Le contrôle d’identité apparait comme une situation sensiblement minoritaire. 84% des personnes interrogées déclarent ne jamais avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (90% des femmes et 77% des hommes).

Les personnes contrôlées au cours des cinq dernières années (16 % des personnes interrogées) rapportent généralement peu de comportements en contradiction avec la déontologie des forces de sécurité, comme le tutoiement (16%), la brutalité (8%), les insultes (7%) ou encore le manque de politesse (29%).

Le manque d’explications sur les raisons du contrôle est cependant plus fréquent (59%), alors même que ce dernier est davantage perçu comme légitime lorsque les forces de sécurité prennent le temps d’en expliquer le motif.

Cependant, si pour la majorité des enquêtés les relations police/population sont satisfaisantes, certaines personnes caractérisées par leur âge et leur appartenance supposée à certains groupes sociaux rapportent des expériences plus contrastées.

Ainsi, près de 40 % des jeunes (18-24 ans) indiquent avoir été contrôlés dans les cinq dernières années. Parmi cette population, pour la même période, les jeunes hommes perçus comme noirs, arabes/maghrébins sont particulièrement concernés : 80 % d’entre eux rapportent avoir été contrôlés au moins une fois par les forces de l’ordre.

L’enquête révèle également que la fréquence importante des contrôles auprès d’une catégorie de la population alimente chez celles et ceux qui en font l’objet un sentiment de discrimination et de défiance envers les institutions policières et judiciaires. Cette défiance tient notamment à l’absence d’information donnée par les forces de l’ordre sur les raisons du contrôle.

Cette étude conforte la position du Défenseur des droits qui, depuis 2012, recommande d’assurer une traçabilité des contrôles[iii] afin de garantir l’accès au recours des personnes qui s’estiment victimes de discriminations et de manquements à la déontologie. Dans cette perspective, il souhaite être associé à l’expérimentation, prévue par la prochaine loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, de l’enregistrement audio-visuel systématique de chaque contrôle d’identité réalisé en application de l’article 78-2 du Code de procédure pénale. La traçabilité des contrôles constitue un enjeu de la politique de sécurité : à terme, elle permettrait d’évaluer leur efficacité et éventuellement de réajuster leur nombre et les espaces et populations ciblés, à l’instar des politiques d’évaluation mises en place à l’étranger[iv].

Les enseignements de cette enquête seront intégrés aux formations que le Défenseur des droits mène, en partenariat avec la Direction générale de la police nationale, auprès des élèves gardiens de la paix au titre de l’apprentissage des règles de déontologie professionnelle (7 300 élèves depuis 2015), pour renforcer la prévention des risques de pratiques discriminatoires et souligner l’importance de la communication lors de la réalisation des contrôles d’identité.

Le Défenseur des droits insiste sur la nécessité de conduire une réflexion partagée sur l’encadrement juridique des contrôles d’identité, sur leur efficacité et leurs effets afin de mettre en place des dispositifs permettant de mieux évaluer leur pertinence comme outil de sécurité, et ce aussi bien au bénéfice des personnes contrôlées qu’à celui des forces de l’ordre.


[i] Dans le cadre des arrêts rendus le 9 novembre 2016 par la 1è chambre civile sur la responsabilité de l’Etat en cas de contrôle discriminatoire : http://www.defenseurdesdroits.fr/actions/protection-des-droits-libertes/…

[iii] Défenseur des droits. Rapport relatif aux relations police/citoyens et aux contrôles d’identité, 2012. Avis n°16-19 sur le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté ; Avis n° 16-12 sur la proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs ; Avis n° 15-25 et 15-27 sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

[iv] Cf. Défenseur des droits, Relations police-citoyens et contrôles d’identité, 2014