Un avis budgétaire du sénateur François-Noël Buffet donne des éléments sur l’augmentation du recours à la rétention depuis 2017 qui pour le gouvernement justifie la création de nouvelles places en centre de rétention. Un durcissement qui ne s’accompagne pas de plus d’éloignement.
par Pierre Januelle 6 décembre 2018
Plus de rétention….
Au 30 juin 2018, il y avait 25 centres de rétention administrative, dont 4 outre-mer, représentant une capacité de 1 564 places en métropole et 227 outre-mer. En métropole, le taux d’occupation a très fortement augmenté depuis l’attaque commise à la gare Saint Charles Marseille le 1er octobre 2017 par un étranger en situation irrégulière. Le ministère de l’Intérieur avait alors diffusé une instruction pour réclamer plus de fermeté aux préfets dans le recours à la rétention.
Par ailleurs la loi Warsmann est venue pallier à une décision de la Cour de cassation afin de permettre la rétention des « dublinés » (demandeurs d’asile relevant d’un autre pays européen ; V. Dalloz actualité, 7 déc. 2017, art. P. Januel ; ibid. 20 mars 2018, obs. J.-M. Pastor ). Résultat, le taux d’occupation des Centres de rétention administrative (CRA) métropolitains est passé de 60 % en 2016 à 79 % au premier semestre 2018. Le nombre de retenus augmente, tout comme la durée de rétention. Selon le rapporteur, cela « s’accompagne d’une gestion des escortes à flux tendu pour trouver des places disponibles et transférer les retenus vers les centres les moins saturés, parfois à travers la France. »
Le budget 2019 comporte des crédits d’investissement immobilier en forte hausse : 39,2 millions d’euros en crédits de paiement destinés notamment à construire 481 places supplémentaires d’ici l’été 2020 (soit une hausse de 35 %). Deux nouveaux centres devraient être construits et les CRA Lyon, de Calais-Coquelles et de Lille vont être étendus.
Mais pour le rapporteur, cette hausse de l’investissement masque des insuffisances : « Certains centres de rétention administrative ne peuvent déjà pas être pleinement occupés par manque de personnel de la PAF (10 % des places de CRA se trouvent ainsi « neutralisées ») ». Par ailleurs, l’allongement de la durée maximale de la rétention à trois mois par la loi Collomb (V. Dalloz actualité, 3 sept. 2018, obs. C. Pouly ), rend nécessaire l’amélioration du cadre de vie dans des établissements qui n’accueillaient à l’origine des retenus que pour quelques semaines. Or, seuls 2 millions d’euros sont budgétés.
… mais pas plus d’éloignement
Plus d’un étranger sur deux placé en CRA n’est pas éloigné durant sa rétention. Plus globalement, sur 103 940 mesures d’éloignement prononcées en 2017, seules 17,5 % ont été exécutées. Un taux qui passe à 12,6 % sur le premier semestre 2018 (50 838 prononcées, 6 406 exécutées).
Un faible éloignement qui concerne aussi les procédures Dublin. Avec 41 482 procédures Dublin engagées en 2017, la France représentait près de 25 % du total des requêtes de l’ensemble des États membres (contre 9 % en 2015). Ce chiffre reste stable sur les sept premiers mois de 2018 (22 506 procédures). Mais sur cette même période, la France n’a transféré que 1 967 demandeurs vers les autres pays européens. À noter : ce taux de transfert augmente depuis cet été (8,4 % en janvier, 17,5 % en juillet).