Depuis 1999, 206 migrants sont morts à Calais. Une carte pour informer, dénoncer, se souvenir.
Près de 40 000 hommes, femmes et enfants sont morts ou portés disparus aux frontières de l’Europe depuis le début des années 90. On sait par ailleurs, que ce chiffre sous estime très largement la réalité. Selon l’OIM [voir], il y aurait 3 fois plus de morts dans le désert que de noyades en méditerranée [voir]. Or ces lieux de décès sont très largement absents des bases de données et donc invisibles sur cartes construites à partir de ces données [voir]. De plus, n’oublions pas que les migrants ne meurent pas seulement sur les bas flancs de l’Union européenne, mais aussi dans notre pays. Car si nombre de migrants perdent la vie en essayant d’atteindre l’espace Schengen, ils meurent aussi pour en sortir. C’est le cas en France. A Calais.
Description
Cette carte interactive [voir] a été réalisée avec l’aide de Mael Galisson et de Matthieu Viry dans le cadre du projet MECMI [voir], Celle-ci permet de recenser et localiser les décès de migrants dans la région. Au total, 206 hommes, femmes ou enfants en migrations, y seraient décédé depuis 1999. Un slider en haut à droite de la carte permet de définir un interval de temps précis et de visualiser sur la carte les migrants morts durant cette période. Des bulles d’information associées aux points rouges, permettent de connaitre le nom de chaque personne (s’il est connu), son histoire et éventuellement sa photographie. Sous la carte, une tableau permet d’avoir la liste exhaustive des cas de décès recensés. En bas de la page, les données complètes sont téléchargeables au format csv.
Les données
Les données qui ont servi à réaliser cette carte ont été collectées et compilées par Maël Galisson. Pour effectuer cette compilation, il s’est appuyé aussi bien sur des sources journalistiques que sur des sources militantes sur le terrain. Les différentes sources ont été croisées et sont référencées dans le tableau de données téléchargeable.
Un peu de technique cartographique
Cette carte s’appuie sur la bibliothèque javascript open source, Leaflet [voir]. Le fond de carte utilisé est un fond de carte Open Street map [voir] avec une style CartoDB.DarkMatterNoLabels. Noir sans labels, ce fond de carte assez épuré permet de faire ressortir les points rouges dans un style graphique assez “dark”. La représentation cartographique de l’information utilisée ici est la méthode des clusters.
Avec cette méthode, les différents morts sont localisés précisément sur la carte et regroupés dans des cercles plus gros (les clusters) en fonction du niveau de zoom. Sur cette carte, la surface des cercles n’est donc par proportionnelle au nombre de morts qu’elle recouvre, ce qui est une entorse aux règles de la sémiologie graphique telle qu’elles sont définies par Jacques Bertin. Néanmoins, ce type de représentation grand public reste relativement efficace et facile à lire. La carte ne prétend pas donner une image globale pour une perception immédiate, mais appelle plutôt à l’interaction avec l’utilisateur, qui au fil de ses clics et de ses zooms atteindra le niveau individuel et l’infobulle qui racontera l’histoire d’une personne. Tel est l’objectif ici : focaliser sur l’individu et non ses des agrégats statistiques.
Une carte pour informer, dénoncer, se souvenir
Que nous montre cette carte ? Tout d’abord, le fait que beaucoup de celles et ceux qui meurent à nos frontières sont des morts sans nom, des inconnus… Plus qu’un simple recensement, ce travail de collecte et de cartographie vise donc d’abord à redonner une identité et une histoire à ces « corps sans nom » ou à ces « noms sans histoire ». Le travail est loin d’être terminé. Et pour cela, un lien en bas à gauche de la carte invite les utilisateurs à contribuer à cette carte et partager les informations dont ils disposent.
Cette carte nous dit aussi, qu’à Calais comme ailleurs, les politiques sécuritaires (d’insécurisation des parcours migratoires), ne rendent pas les frontières étanches. Elles les rendent simplement dangereuses et létales pour celles et ceux qui tentent de les franchir. Accords européens, traités bilatéraux, construction de murs, surveillance policières, etc., transforment cette frontière en un espace de mort. Pour la franchir, il n’y a pas d’autre choix que de risquer sa vie.
Au final, cette carte, qui sera complétée ultérieurement par d’autres contenus (textes, illustrations, cartes statiques, photos, témoignages, etc… tout ceci restant encore à définir), se veut une sorte de monument au mort numérique. Un modeste lieu virtuel, sur la toile, pour se souvenir de ces hommes et ces femmes bien réels. Une carte, pour qu’on n’oublie pas les morts de la migration.
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