17 mai 2017 // Lettre ouverte au Président de la République

L’association Terre d’errance, qui intervient au soutien des exilé.e.s vivant dans le campement de Norrent-Fontes, a pris l’initiative d’une lettre ouverte au nouveau Président de la République, concernant les expulsions de bidonvilles passées et à venir. Dans cette lettre, co-signée par une vingtaine d’associations, il est demandé un moratoire sur les expulsions de campements et de squats afin de permettre de trouver collectivement des solutions adaptées pour les habitant.e.s.

 

Lettre ouverte au Président de la République: plus d’expulsion sans solution !

Paris, le 17 mai 2017

Monsieur le Président,

Dans votre réponse du 20 avril dernier à l’interpellation du Collectif National Droits l’Homme Romeurope concernant les expulsions de bidonvilles et de squats, vous écriviez ceci:

«Nous privilégions une approche pragmatique. D’une manière générale, les bidonvilles et squats n’ont pas vocation à perdurer. Les conditions d’hygiène y sont souvent indignes et représentent une menace pour la santé de ses habitants. Dans certains cas, les relations tendues avec le voisinage viennent ajouter troubles à l’ordre public.

Toutefois, la destruction sans solution alternative est une méthode aussi hypocrite que coûteuse et inefficace. Il revient donc à la puissance publique, en lien avec les habitants, les riverains et les associations de trouver des solutions avant chaque destruction ou évacuation, pour que celle-ci ne se traduise pas par la création simultanée d’un nouveau camp.»

Désormais, ce n’est plus au candidat mais au Président que l’interpellation s’adresse. Comment s’organiser pour que nouvelles expulsions n’aient plus lieu, sans solution adaptée et avec la même inefficacité, reproduisant autant de nouveaux bidonvilles aux mêmes endroits ou presque ?

A Calais depuis la destruction du bidonville en octobre dernier et à Grande-Synthe depuis l’incendie du mois de mars, la situation est inédite: il est interdit de donner une tente aux personnes sans abri qui sont pourtant plusieurs centaines.

A Norrent-Fontes, 70 personnes sont actuellement menacées d’expulsion d’un bidonville, sans solution adaptée. Or, leur situation illustre parfaitement l’hypocrisie que vous relevez.

Ce campement existe depuis presque 20 ans, il a été installé par la mairie et identifié par les services de la préfecture et plusieurs députés.

Les femmes et les hommes qui y vivent ont été reconnu-e-s par le Juge judiciaire dans le respect de leurs droits fondamentaux.

En effet, le Tribunal de Grande Instance de Béthune ainsi que la Cour d’Appel de Douai ont rendu des décisions motivées refusant l’évacuation de leur lieu de vie.

Or, depuis quelques jours, diverses visites des forces de l’ordre et des services de l’État nous font craindre d’éventuelles édictions d’un arrêté préfectoral d’évacuation.

Un tel arrêté, qui serait donc pris aux mépris des décisions judiciaires protégeant les exilé-e-s et leurs libertés fondamentales, constituerait un véritable détournement de pouvoir et, surtout, comme vous l’avez indiqué, une hypocrisie coûteuse et inefficace puisqu’à ce jour il n’y a aucune solution alternative d’accueil de ces exilé-e-s de passage dans le calaisis.

Ailleurs, plus d’une dizaine de bidonvilles et squats sont menacés de destruction et plusieurs centaines d’hommes, femmes et enfants craignent une expulsion:

– à Choisy Le Roi, 80 personnes redoutent l’expulsion d’un jour à l’autre

– à Sucy en Brie, 30 personnes seront bientôt expulsées du squat où elles vivent,

– à Alfortville 15 personnes pourraient être expulsées dès la fin de l’année scolaire,

– à Rungis, une expulsions de 180 à 200 personnes est annoncée pour la fin de l’année scolaire

– à Evry, 80 familles sont menacées par un arrêté municipal édité le 9 mai 2017,

– à Osny, un foyer de 11 personnes ainsi qu’un autre de 4 personnes, toutes ressortissantes de l’union européenne pourraient subir une expulsion le 23 mai,

– à Triel sur Seine, ce sont 42 familles qui redoutent d’être expulsées,

à Aix, Arles, Villeneuve St George, St Denis, Lille et Ronchin, des expulsions sont annoncées.

Monsieur le Président, comment justifier un tel acharnement à détruire des abris de fortune qui seront reconstruits dans des conditions plus difficiles encore ? Les exemples de Steenvoorde, Calais ou Dieppe, l’ont récemment illustré, ainsi que vous le dénonciez tout-à-fait justement dans votre réponse au Collectif National Droits l’Homme Romeurope.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous demandons un moratoire sur toutes les expulsions de bidonvilles et de squats, afin de ne pas empirer la précarité des personnes et de donner les délais suffisants aux élus, aux services de l’État, aux habitant-e-s et aux organisations associatives de se pencher ensemble sur les difficultés des situations pour tenter d’y trouver des réponses adaptées et respectueuses des droits fondamentaux.

Comptant sur votre approche nouvelle et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

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