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06.12.2017 // Opération #Touchepasàmonsac – revue de presse

Plusieurs organes de presse relatent l’action des associations intervenant à Calais.

Dans l’ordre, Le Monde, Libération, Streetpress, L’humanité

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/12/06/au-petit-matin-a-calais-les-biens-des-migrants-detruits_5225547_1654200.html?xtor=RSS-3208

Le Monde, 06.12.2017

Au petit matin à Calais, les biens des migrants détruits

Les associations ont décidé de donner des duvets à leur nom pour mettre fin à ces destructions, menaçant de porter plainte le cas échéant.

Des agents de la ville de Calais récupèrent les biens des migrants, le 5 décembre. OLIVIER PAPEGNIES/COLLECTIF HUMA POUR « LE MONDE »

Des agents de la ville de Calais récupèrent les biens des migrants, 
le 5 décembre. 
OLIVIER PAPEGNIES/COLLECTIF HUMA POUR « LE MONDE » 

Baluchon après baluchon, la camionnette se remplit. Vêtus d’une combinaison de peintre, deux nettoyeurs sont à l’œuvre. Sous le pont de la Meuse, pas loin du centre de Calais, ces agents municipaux regroupent les bribes de vie laissées derrière eux par les jeunes exilés chassés de leur cachette nocturne. Dans les couvertures, les hommes en blanc entassent les maigres biens avant de nouer les bords et de lancer le tout dans la benne à ordures.

Mardi 5 décembre, trois fourgonnettes de policiers sont venues réveiller une quinzaine de jeunes Ethiopiens alignés au bord de l’eau, luttant contre l’humidité avec des bouts de carton ; contre le froid avec des couvertures que les associations leur avaient données. « C’est tous les jours comme ça », se désole Loan Torondel, coordinateur de l’association l’Auberge des migrants, en voyant le gâchis matinal. « Les tentes, les alignements de sacs de couchage, les bâches… La police détruit les abris et la mairie embarque tout dans la foulée », ajoute-t-il.

Depuis le 1er octobre, 46 destructions de sites regroupant des abris ont été enregistrées par son association. Quand elle avait sondé les exilés cet été, ils avaient répondu « avoir été victimes de ces opérations de destruction de leurs biens en moyenne deux fois sur les sept jours précédant l’enquête ». « Aujourd’hui, c’est bien pire », ajoute Charlotte (qui souhaite rester anonyme), d’Utopia 56, une autre association d’aide aux migrants. Comme si la tension montait en fonction de la baisse des températures.

Lassées du gâchis

Même si l’Auberge des migrants et Help Refugees se sont mises en capacité de distribuer 400 couvertures chaque semaine, l’ensemble des associations de Calais a eu envie de casser cette spirale de violences, et d’organiser une « Saint-Nicolas des migrants » mercredi 6 décembre. « Sept cents sacs de couchage et autant de bâches marqués au nom des associations vont être distribués », se réjouit Loan Torondel. « Du point de vue du droit, ce sont des prêts faits à des amis, à qui nous faisons un contrat. Ces objets restent notre propriété et nous nous réservons le droit de déposer plainte si on les met à la benne », cadre Vincent de Coninck, du Secours catholique. Lassées du gâchis, les ONG entendent bien suivre ce matériel, et témoigner du sort qui lui sera réservé.

D’autant qu’à Calais le froid arrive et qu’« à force d’être empêchés de dormir la nuit par la police, traqués comme des bêtes, sans lieu où souffler le jour, certains perdent littéralement pied », déplore Vincent de Coninck qui, en huit ans à Calais, n’avait jamais fait face à une telle « maltraitance institutionnelle ».

Mardi, à l’heure où Calais s’éveille, où les adolescents partent au lycée, six jeunes Ethiopiens sont emmenés dans les bureaux de la police aux frontières. Certains risquent la rétention, les autres reviendront dormir dans les « mini-jungles » cachées dans les bosquets ou sous les ponts… Si le policier à la manœuvre rappelle qu’il laisse une couverture à chaque réfugié, des effets personnels appartenant aux jeunes Africains pointent de la benne à ordures, débordant des paquetages mal ficelés. Une basket, un bout de sac à dos, des duvets, des couvertures, une veste… Le préfet répond que les actions ont lieu dans « le respect des droits des migrants et de la déontologie policière ».

« En théorie, les agents devraient laisser les effets personnels et enlever les déchets, dans la pratique, c’est plutôt le contraire qui se produit », observe M. Torondel en montrant un lieu sale, à proximité du point de distribution des repas, d’où en revanche des toiles de tente et autres bâches sont régulièrement enlevées. Là, mardi matin, trois Ethiopiens plient en vitesse une petite tente pour éviter que la police ne la prenne.

« Piège »

Alors que des conteneurs du temps de l’ancienne « jungle » ont été ramenés pour héberger 120 personnes dans le cadre du plan grand froid, la préfecture se félicite que 343 migrants soient partis depuis le 8 août vers les deux centres d’accueil et d’examen des situations, ouverts sous la contrainte d’une décision du Conseil d’Etat à plusieurs dizaines de kilomètres de Calais. Mais le représentant de l’Etat oublie de préciser combien ont fait demi-tour rapidement.

Composée des « pauvres » qui ne peuvent pas payer les 800 euros que demandent les passeurs pour rejoindre Londres depuis Bruxelles, la population migrante de Calais a en général laissé ses empreintes ailleurs en Europe ou a été déboutée de l’asile. « Dans ces conditions, si tu vas dans leur hébergement, on te renvoie en Italie », résume Riaz, un jeune Afghan. « C’est pas un hébergement, c’est un piège, poursuit-il. D’ailleurs, si on nous jette sans arrêt nos affaires, le message est clair : on ne veut pas de nous en France… »

Maryline Baumard


Libération, 06.12.2017

http://www.liberation.fr/france/2017/12/06/calais-contre-le-harcelement-des-migrants-par-la-police-les-assos-testent-une-parade_1614960

Calais : contre le harcèlement des migrants par la police, les assos testent une parade

Lors d’une distribution de sacs de couchage et de bâches aux migrants organisée par les associations de Calais.

Lors d’une distribution de sacs de couchage et de bâches aux migrants 
organisée par les associations de Calais.  
Photo Antoine Bruy

A Calais, les associations d’aide aux migrants se mobilisent pour éviter les destructions des abris, des sacs de couchage et des couvertures par les forces de police. Du Secours catholique à l’Auberge des migrants, de Salam à Help Refugees, toutes sont dans le coup. Elles ont inventé un subterfuge à portée juridique pour, espèrent-elles, infléchir la stratégie de l’Etat. Mercredi, elles ont distribué des sacs de couchage et des bâches marquées à leurs noms : elles en sont les propriétaires, ne font que les prêter aux exilés et n’hésiteront pas à porter plainte. «Nous disons aux migrants de nous les ramener quand ils n’en ont plus besoin. Si nous les retrouvons dans une benne, c’est la destruction d’un bien appartenant à autrui», explique benoîtement Vincent De Coninck, chargé de mission au Secours catholique.

Affluence. L’idée est venue de Belgique, où les particuliers étaient priés de rester propriétaires de leurs sacs de couchage distribués aux migrants pour un éventuel dépôt de plainte. Le procureur du roi en a reçu un bon paquet. «Nous avons simplifié le dispositif avec les associations propriétaires», explique le coordinateur de la Plateforme de service aux migrants, Nathanaël Caillaux.

Zone industrielle des Dunes, dans le froid de Calais, deux Ethiopiens déplient avec soin la bâche noire pour vérifier sa taille. Sur un coin, un sigle bombé au pochoir qui mélange les logos des associations. Impossible de le manquer. La bâche va leur servir à fabriquer un abri sommaire dans l’un des bosquets entre les parkings, à moins d’un kilomètre de l’ancien bidonville où vivaient près de 10 000 personnes il y a encore quinze mois, avant l’expulsion définitive. Aujourd’hui, ils sont encore quelque 450 à se cacher dans les replis de la ville.

Les associations ont prévu assez de bâches et de sacs de couchage pour tous. Une bénévole appelle les prochains numéros, «twenty-seven», «twenty-eight»… Les hommes s’approchent dans le calme pour recevoir leur paquet. Devant les tables, ils sont nombreux à se presser pour signer le contrat de prêt qui porte leur nom. Une affluence qui surprend les bénévoles, car l’étape n’est pas obligatoire et les exilés rechignent généralement à laisser leur identité. «C’est qu’ils en ont vraiment marre», murmure un associatif.

Malaku, éthiopien lui aussi, demande à l’interprète présent comment prévenir les associations après la saisie d’un sac de couchage par les policiers. Il a parfaitement compris le but de l’opération. Tous ne sont pas dans son cas, certains profitent juste de l’aubaine. «L’idée, c’est surtout que toute personne puisse se protéger du froid», glisse Nathanaël Caillaux, de la Plateforme de service aux migrants.

A Calais, l’Etat organise une pression constante pour éviter la réinstallation d’une «jungle». Loan, bénévole à l’Auberge des migrants, montre sur son téléphone portable une série de photos prises le 12 octobre : des tentes tailladées, en lambeaux, encore debout mais inutilisables pour se protéger du froid et de la pluie. «Les CRS gazent à la lacrymo les sacs de couchage, les couvertures, la nourriture», raconte Brice Benazzouz, coordinateur général pour Médecins du monde. Aux consultations mobiles, il voit ressurgir des pathologies oubliées, comme le «pied de tranchée», la maladie du poilu. Une infection qui touche la plante des pieds : elle devient blanche et insensible. «Ils portent des chaussures et des chaussettes humides tout le temps, soupire-t-il. Et certains policiers, lors des contrôles d’identité dans le centre-ville, leur confisquent leurs chaussures.» Des pratiques qu’il n’est pas le seul à raconter, les témoignages concordent.

«Benne». La préfecture du Pas-de-Calais s’indigne : «Si nous avons connaissance de faits contraires à la déontologie policière et aux droits des migrants, ils ne resteront pas sans suite.» Certes, les abris sont démantelés systématiquement, mais «quand les migrants sont présents, on leur laisse l’opportunité de récupérer leurs affaires», explique la préfecture. Des consignes claires et respectées, insiste-t-elle. Sur le terrain, la réalité n’est pas celle-là : «Quand les policiers arrivent, les migrants se sauvent pour éviter d’être arrêtés, raconte François Guennoc, de l’Auberge des migrants. Après, ils n’osent pas revenir.»

Il raconte cette anecdote d’un officier tout à fait d’accord pour restituer les affaires… à condition que les migrants acceptent un contrôle d’identité.«Ce qui n’était pas vrai, rigole Guennoc. Ils balancent tout à la benne.» Le préfet, face à ces récits, oppose toujours le même argument, explique Vincent De Coninck : aucun exilé ne va au commissariat déposer plainte, il n’existe aucune remontée de ce genre d’exactions. Désormais, des plaintes, il y en aura. Déposées par les associations.

Stéphanie Maurice Envoyée spéciale à Calais, Photo Antoine Bruy


Streetpress, 07.12.2017

https://www.streetpress.com/sujet/1512582775-calais-rondes-proteger-migrants

À Calais, les assos organisent des rondes pour protéger les migrants des violences policières

Elles projettent de porter plainte

Depuis près de deux mois, plusieurs associations organisent des rondes de nuit pour protéger les migrants des violences policières et recueillir leurs témoignages. Ils en ont collecté une soixantaine.

Calais (62) –« One more there », indique Toni dans un hochement de tête. Cramponnée à son volant, la petite brune annonce à John (1) l’emplacement d’un camion de CRS qui campe ce soir sur le Belgium Parking, une station-service bien connue des exilés qui veulent passer en Angleterre. Ce soir, les 2 bénévoles dénombrent 4 fourgonnettes de police dans ce petit périmètre, cerné de grilles surmontées de fils barbelés. Une zone occupée seulement par une forêt de semi-remorques et son lot de routiers à demi assoupis. « Je ne sais pas si tu as remarqué mais il n’y a personne ce soir », lance John à notre encontre.

Depuis deux mois, John et Toni découchent presque tous les soirs. Comme une vingtaine de militants, les deux jeunes gens veillent jours et nuits sur les quelques 500 exilés qui sont toujours à Calais. Caméras au poing, ils arpentent les lieux de passage. Le but de cette mission mise en place par plusieurs associations, dont l’Auberge des Migrants et Utopia 56 ? Filmer les violences policières et « les atteintes aux droits humains ». Les bénévoles ont récolté une soixantaine de témoignages. Certains feront l’objet d’une saisine du défenseur des droits. D’autres d’un dépôt de plainte.

Mushkila phone

Au-dessus du tableau de bord, le téléphone de Toni n’arrête pas de sonner. Sur un logiciel de messagerie cryptée, les 2 bénévoles rapportent leurs observations nocturnes à l’ensemble de l’équipe. Présence policière, plaques d’immatriculation des véhicules, témoignages rapportés par les habitants des différents campements… « Les réfugiés nous appellent aussi en cas de problème. On leur donne notre numéro », ajoute John.

« En général, on arrive après que la police soit passée. »

Plus tôt dans la soirée, le binôme a également accompagné une famille à l’hôpital le plus proche. Le « Muskhila Phone » [le téléphone des problèmes en arabe] comme l’appellent les exilés, fait office de véritable ligne de vie :

« Les réfugiés nous connaissent. On est aussi un véhicule d’urgence. »

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Dans la jungle, terrible jungle… / Crédits : Tomas Statius

Chercher une aiguille dans une botte de foin

Ce soir, pour les 2 compères, la nuit est calme. « Belgium Parking », « Sheitan Parking », « Petite Forêt », « Old Lidl », « Jungle afghane »… Les habituels points chauds de la nuit calaisienne sont étrangement déserts. Pourtant, tout indique la présence d’exilés. Ici, une poignée de chaises qui trônent sur un petit talus au bout d’une impasse. Là, un canapé posté sur un amas de gravats ou des braises encore crépitantes. « On ne touche qu’une toute petite partie de l’iceberg, c’est sûr », regrette John.

A 8h du matin, de petits groupes éparses se forment aux abords de la rocade. Peu à peu, les exilés sortent de leurs cachettes. Certains s’étaient installés au sommet de la dune qui dominent l’ancienne jungle. D’autres s’étaient planqués à l’abri, dans des camions vides stationnés non loin de là.  Aux premières lueurs du jour, la police les déloge sans violence. « Les violences policières se sont calmées. On a connu un pic, il y a quelques mois, après la publication des différents rapports sur le sujet », explique Sylvain, qui participe lui aussi aux maraudes nocturnes. La nuit a été rude pour nombre d’entre eux. La veille, la police a visité plusieurs campements pour empêcher des « points de fixation » et confisquer sacs de couchage et effets personnels, expliquent plusieurs exilés et responsables associatifs contactés par StreetPress. Le procédé fait enrager Vincent De Coninck du Secours Catholique :

« Ici, l’Etat assume une stratégie de maltraitance. »

La préfecture, quant à elle, dément toute confiscation :

« Les migrants sont systématiquement invités à conserver leurs effets personnels s’ils le souhaitent, notamment duvet et couverture. Lors de ces opérations, sont uniquement ramassés par les services d’hygiène de la ville les objets laissés sur site ou que les migrants ne souhaitent pas garder avec eux. »

La guerre des duvets

À Calais, cela fait plusieurs mois que cette guerre des duvets fait rage. Et elle va crescendo. Depuis le 1er octobre, les assos ont dénombré 46 destructions de campements. « Il y a quelques jours à la jungle afghane, les CRS sont passés avec des employés municipaux pour nettoyer la zone et prendre les duvets », détaille John :

« Un Afghan nous a raconté qu’alors qu’il dormait, un policier a déchiré la toile de sa tente avec un couteau. Il est passé à quelques centimètres de son visage. »

Mardi 5 décembre, la police a démantelé un petit campement d’exilés (link is external), installé sous un pont, à quelques encablures de la Mairie. Et embarqué au passage couvertures et baluchons. « La nuit, les policiers réveillent les exilés. Et presque tous les matins, ils passent avec des bennes pour jeter leurs sacs de couchages et leurs affaires à la poubelle », s’étrangle Vincent De Coninck :

« Il y a quasiment 1.200 policiers à Calais pour quelques centaines de migrants. On assiste à une véritable chasse. »

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Ce réfugié afghan a passé la nuit dans la forêt. / Crédits : Tomas Statius

Jungle Confidential

Wendesin, lui, est dépité de la situation à Calais. Le jeune éthiopien de 32 ans vit depuis un mois dans la jungle. Et il ne rêve déjà plus de Londres. « Je suis fatigué. Ici la police n’est pas comme à Paris [où le jeune homme a séjourné un mois]. Ils n’ont aucun respect », lâche-t-il bien emmitouflé dans son coupe vent. Son pote Johny renchérit :

« La nuit, il fait trop froid. Après manger, on n’a plus envie de passer. »

Pour dormir, les deux hommes se sont trouvés un petit coin, au calme, à l’abri des regards. La nuit, ils posent leur sacs de couchages dans un entrepôt désaffecté, en bordure d’une zone industrielle. Ce n’est pas luxueux, mais la petite bâtisse ouverte aux quatre vents fait l’affaire pour le moment. Quant à leur sacs à dos, les deux hommes les planquent où ils peuvent, à l’abri de la police. « Quand ils viennent, ils prennent tout. Regarde où on met nos sacs », explique le jeune homme en nous dévoilant sa cachette.

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La planque de Wendesin et son pote. / Crédits : Tomas Statius

Les assos se rebiffent

Les assos organisent la contre-attaque. Leur nouveau plan de bataille ? Prêter des duvets aux réfugiés. « On va distribuer entre 600 et 700 duvets et des bâches cet après-midi », annonce le Vincent de Conninck. Ils en distribueront finalement 300 au principal point de distribution, rue des Verrotières. Tous sont floqués aux couleurs des associations qui participent à l’opération.

Ces dernières se réservent le droit d’attaquer l’Etat en justice si les policiers venaient à les détruire : les duvets restent en effet la propriété des associations. Ils sont simplement prêtés aux réfugiés, contrats à l’appui. « Si on ne fait pas ça, les gens risquent de mourir de froid », alerte le boss du Secours Catholique :

« C’est un moyen qu’on avait pas encore utilisé. »

Mais la victoire risque d’être de courte durée craint Sylvain. « Dans l’après-midi, c’est possible que les policiers commencent à les confisquer », lâche t-il fataliste. Avant de se reprendre :

« Avec cette distribution, on sera au moins tranquille pour une semaine. »

Wendesin est moins optimiste :

« Si tu viens demain matin, tu verras les policiers. C’est sûr. »

(1) Le prénom a été modifié.

Tomas Statius


https://www.humanite.fr/migrants-calais-la-strategie-de-la-destruction-646939

L’Humanité

Migrants. À Calais, la stratégie de la destruction

Émilien Urbach
Vendredi, 8 Décembre, 2017

Depuis octobre, les opérations policières visant à « lutter contre les points de fixation » sont devenues quasi quotidiennes. D. Pauwels

Depuis octobre, les opérations policières visant à « lutter 
contre les points de fixation » sont devenues quasi quotidiennes. 
D. Pauwels

Un rapport dénonce les violences de la police, qui n’hésite plus à démolir les biens des exilés. En réaction, les associations ont décidé de mettre leur logo sur les affaires distribuées.

Ils sont une vingtaine, peut-être trente, à courir en direction des bois. Une quinzaine de CRS, gazeuses au point, avancent vers eux, le pas enlevé, suivis par un camion des services de nettoyage de la municipalité. Certains tentent de ramasser encore quelques affaires avant de prendre la fuite. Un peu plus tard, trois CRS entourent deux ou trois personnes qui n’ont pas eu le temps de s’enfuir. Les policiers leur demandent d’évacuer les lieux. L’un d’entre eux part en tenant contre lui sa veste verte. Le fonctionnaire le rappelle, lui arrache son vêtement des mains et le jette par terre.

Voilà le quotidien des quelque 750 exilés vivant actuellement à Calais et capté par la caméra d’un bénévole de l’Auberge des migrants. L’Association a rendu public, ce mercredi, un état des lieux accablant sur « les destructions des abris de migrants à Calais » et donne accès à plusieurs vidéos et photographies venant étayer ses constatations sur le terrain et les témoignages des exilés.

Récurrentes depuis le démantèlement de la « jungle », en octobre 2016, ces opérations policières visant à « lutter contre les points de fixation » sont devenues quasi quotidiennes ces derniers temps. Depuis le 1er octobre, les bénévoles ont comptabilisé pas moins de 46 destructions de sites regroupant des abris.

« Les forces de l’ordre profitent généralement des temps de distribution de repas pour établir un périmètre à accès limité autour des abris, relate l’Auberge des migrants. Cela permet de maintenir à l’écart les exilés, les personnes solidaires et les associations présentes. » Ensuite, viennent les agents municipaux des services d’entretien, souvent habillés de combinaisons intégrales et de masques. Tout les effets personnels des exilés utilisés pour dormir, se réchauffer, s’abriter et se soigner sont alors détruits ou entassés sur un camion-benne. Les sacs de couchage, les couvertures, les tentes, les bâches et le bois de chauffage sont visés en priorité. Mais aussi, souvent, les sacs personnels contenant documents administratifs et, pour certains, des médicaments.

« Un choix politique qui relève de la maltraitance institutionnelle »

« Nous avons, depuis quelques semaines, des retours que nous n’avions que très peu avant : la confiscation ou la destruction de médicaments », explique Brice Benazzouz, de Médecins du monde. Des personnes se retrouvent complètement privées de traitement, « contrairement aux instructions de la préfecture », ajoute-t-il.

Menaces, violences, tout est mis en place pour empêcher les exilés de récupérer leurs affaires. Ceux qui le souhaitent sont, la plupart du temps, contraints de se soumettre à un contrôle d’identité de la police aux frontières et, pour ceux qui sont sans documents, de passer par le centre de rétention de Coquelles pour récupérer leurs affaires, assure le document de l’Auberge des migrants. On y rappelle aussi que les biens matériels ne sont pas les seuls visés. Les propos rapportés d’un mineur isolé, interrogé par l’association le 25 octobre, décrivent une scène d’une rare violence. Après qu’il a été réveillé par des CRS, avec quinze autres compagnons d’infortune, la police a refusé de lui rendre ses affaires et s’est mis à répandre du gaz lacrymogène sur les sacs de couchage restants. Un policier l’a ensuite menotté dans le dos, frappé à coups de matraque dans les cuisses et conduit au commissariat. « Cette stratégie de harcèlement et d’épuisement n’est en réalité qu’un choix politique qui relève de la maltraitance institutionnelle, alertent les auteurs du document. Cela n’est plus supportable. »

Face à cette situation, une dizaine d’associations ont adopté une nouvelle stratégie : marquer de leur logo les affaires, à commencer par les 600 bâches et sacs de couchage distribués mercredi, tout en signant avec les migrants qui le souhaitent un contrat de prêt. « Du point de vue du droit, ce sont donc des prêts faits à des amis », explique Vincent de Coninck, du Secours catholique. Ces objets restent ainsi la propriété des associations, qui se réservent le droit de porter plainte directement auprès du procureur de la République si, d’aventure, leur matériel est gazé, confisqué ou détruit lors des interventions des forces de l’ordre. Une manière de rompre avec le cercle des destructions. Mais aussi « un moyen de sensibiliser les gens, explique Claire Millot, de l’association Salam, qu’ils sachent qu’il y a encore des migrants qui vivent dans une précarité qu’on n’a jamais connue. »