SQUAT 51 BOULEVARD VICTOR HUGO
Par Martine Devries
30 septembre 2013.
C’est la première fois que j’y viens. Par chance, j’arrive en même temps que Valentin et Tom. Devant la maison, des tas de sacs poubelles, en pyramide. Quelques personnes, très visibles puisque noires trainent devant. J’entre. Il y a un brouhaha, et une foule dans cette pièce qui est de la taille habituelle d’une pièce familiale et qui contient à ce moment au moins 40 personnes. Je me demande s’il s’agit d’une AG, tout le monde fait cercle serré autour de ? finalement il s’agit de deux femmes qui font la cuisine. Le bruit des voix est simplement lié au nombre, personne ne se dispute. Et, oui, il y a des femmes. C’est pour ça que je viens : les jeunes bénévoles qui « tiennent le squatt » s’inquiètent de la venue soudaine d’une dizaine de femmes, et de plus, c’est plus difficile à gérer. En principe ce squatt était réservé aux femmes et aux personnes vulnérables. De fait, c’est très difficile d’interdire aux hommes de venir y dormir, il n’y a aucun autre abri possible en ville depuis l’expulsion du squatt rue Mouron en début de mois.
Je regarde, je souris, j’attends un peu avant de me manifester. Ce n’est pas la peine, quelqu’un m’a repéré, et une femme m’aborde, en anglais : c’est S., elle a un rendez-vous d’échographie demain. Je viendrai la chercher et j’irai avec elle, c’est d’accord. Un homme ensuite d’une trentaine d’années, dit qu’une autre femme veut me parler : ce n’est pas possible ici, on me propose la cave, ou dehors. Je choisis dehors, il fait beau. Atze est enceinte de 7 mois, elle n’a pas encore vu de médecin, elle est en France depuis quelques jours, c’est ce que je crois comprendre. Je téléphone pour prendre un rendez-vous à la maternité, c’est très compliqué, et finalement la sage-femme de garde me propose de l’amener tout de suite, c’est parfait. « Elle vient avec sa carte de sécu et ses papiers d’identité » « mais elle n’en a pas », un blanc au bout du fil, j’explique rapidement que la consultation sera prise en charge par la PASS (Permanence d’Accès aux Soins de Santé). La sage-femme ne connaît pas la PASS, mais elle se rassure en pensant que la secrétaire est encore là, qui connaît ces choses. Avant de partir, une troisième femme m’aborde, elle est enceinte de 4 mois, et veut voir un médecin. Je remets à demain, deux consultations non urgentes pour la sage-femme des urgences me semblent trop.
Atze monte en voiture, elle est accompagnée de cet homme qui m’a abordé. J’ai eu le temps de lui demander « He is your man ? » Non, et après une hésitation, « He is my brother ». D’accord.
Nous atteignons les urgences de la maternité, c’est au bout du monde ! Enfin, loin dans l’hôpital. La sage-femme est charmante, elle est très contente que je puisse parler en anglais, je lui demande son nom, les présente l’une à l’autre en disant : elle comprend l’anglais.
Examen gynécologique, avec mes explications, ça se passe bien, et chance, Atze n’est pas excisée. Prise de sang, monitoring. Un sourire passe sur son visage quand elle entend le cœur du bébé. Pour l’échographie, il faut attendre un peu, le médecin est occupée. J’explique tout ça et je sors prendre l’air, il fait une chaleur à l’intérieur ! Je passe devant le brother, lui explique que tout va bien et qu’on attend le médecin. Je reviens une heure après, ils sont tous les deux dans la salle d’attente, l’écho est faite, mais ils ne connaissent pas le résultat. Je rejoins le médecin et la sage-femme dans le bureau : tout va bien, hormis une anémie, la grossesse est bien de 7 mois, elle a débuté le 9 Mars. Le médecin explique qu’il n’a pas fait l’étude morphologique, ça prend trop de temps, et on est aux urgences. Je sors, et m’apprête à partir avec eux, quand Atze me demande : Boy or girl ? Je ne sais pas… Je retourne voir le médecin et lui pose la question. « Je n’ai pas regardé » dit-elle.
Sur la route du retour, j’essaie de savoir s’il y a d’autre femmes enceintes dans la maison, apparemment pas. J’explique que pour les autres, si elles veulent prendre la pilule, je peux leur expliquer… Je crois qu’ils ont compris, on en reparlera demain.
Et pour les hommes, on peut consulter, faire une prise de sang ?