Fête de l’entre-deux, fête des tentes, fête des possibles

Du 23 au 30 septembre 2018, à Calais

La préparation de cette semaine est faite par un collectif de bénévoles d’horizons divers, et cherche à impliquer au mieux les personnes exilées elles-mêmes.

Pour qui est cette fête ?

Toutes celles et ceux qui ont envie de passer un moment ensemble.

L’inscription préalable , lorsque c’est possible, est souhaitée.

Les règles pour bien vivre ensemble s’écriront avec toutes et tous à l’ouverture de la semaine, et s’ajusteront jour après jour. Un temps réservé au sommeil sera préservé.

Loin du quotidien difficile, ce sera un temps pour se découvrir citoyennes et citoyens du même monde.

Pourquoi cette fête ?

Plusieurs sources d’inspiration (voir ci-dessous) et plusieurs envies se croisent ici :

  • Vivre 8 jours de paix et de dignité.

  • Réaffirmer le droit à exister, même si c’est éphémère, même si c’est dans l’entre-deux.

  • Vivre quelque chose de différent du quotidien, pour les exilé.e.s, mais aussi pour les aidant.e.s (ex : des temps de cuisine autonomes).

  • Développer les attentes des aidant.e.s aussi, habitant.e.s d’ici (ne pas être juste une machine à laver, une main qui donne le repas, etc.).

  • Pouvoir redire le désir qu’on a de se rencontrer l’un.e et l’autre.

  • Montrer à toutes et tous que les exilé.e.s sont toujours présent.e.s, et lutter contre la volonté des autorités de faire disparaître les exilé.e.s du paysage, et des préoccupations des citoyen.ne.s.

La préparation de cette semaine est faite par un collectif de bénévoles et d’exilés d’horizon divers.

La communication au grand public, (presse, réseaux sociaux) sera réfléchie et discutée par les participants. Pour le moment, cela reste une information privée.

Côté inspirations croisées, voici ce que nous en dit Philippe D. (Calais – 29.08.2018) :

Pour la « fête des Tentes »,  – ou fête de l' »Entre-deux » -, voici plusieurs lignes d’inspiration susceptibles de se rejoindre, pour illustrer l’esprit de cette fête et lui donner du corps. Les approches évoquées ci-dessous ne prétendent pas occuper tout le terrain : elles font entendre qu’il y a de la place pour la multiplicité.

     1) Ce qui s’impose d’ abord, c’est l’expérience particulière des migrants à Calais. Ici, davantage que sur d’autres sites, ils sont dans un entre-deux inhabitable. Le Calaisis brûle les pieds de ceux qui sont pris entre leur pays d’origine et la destination qu’ils se sont donnée. C’est l’étape de trop, l’étape inutile. Ce qui rend atypique la rencontre avec beaucoup, c’est qu’ils sont, pour une bonne part, seulement et déjà ailleurs. Et cet ailleurs ne nous parle guère, ne nous est pas commun. C’est d’abord le leur, et seulement le leur.

2) Notre propre expérience de l’entre-deux. Pour le meilleur (la récré à l’école; la pause-café ou cigarette au travail; le dimanche; etc.) et pour le pire (cf. la salle des pas perdus; le temps perdu dans les embouteillages; les périodes de chômage; les coups d’arrêt subis dans une orientation scolaire, dans une relation; etc.).

Dans les deux cas, l’entre-deux se définit prioritairement par les limites qui l’encadrent. Pour le meilleur, il est ce qui échappe à des forces hégémoniques, ou, mieux encore, leur tient tête. Il a alors un contenu de forte intensité. Pour le pire, il intervient comme ce qui est vide de tout sens, ce qui n’a pas lieu d’être, représente une perte sèche, introduit une rupture dans la confiance mise par l’individu en sa propre capacité à gouverner sa vie.

3) Du côté de l’agriculture de nos campagnes, il y a les cultures intermédiaires, ou les cultures dites « dérobées ». Ces dernières visent à mettre à profit le laps de temps qui sépare 2 cultures successives, tributaire chacune de sa propre saisonnalité, pour y insérer une culture rapide, avec l idée de tirer le meilleur parti d’ une parcelle de terrain. Les autres, plus modestement, s’emploient à ne pas laisser la terre nue entre deux cultures, histoire que celle-ci ne soit pas envahie par les « mauvaises » herbes, qu’ elle ne souffre pas de l’érosion, ou que, lessivée par les pluies, elle ne pollue de nitrates les nappes phréatiques.


     4) Du 15 au 30/09, se déroule en France et en Belgique, la seconde édition de la « Fête des Possibles ». Un de ses axes s’énonce ainsi : « Construire l’avenir près de chez nous ». Le mouvement Alternatiba est un des acteurs de cette initiative qu’il faut relier à ce qui s’invente du côté de l’économie sociale et solidaire. L’entre-deux occupé ici, est celui ouvert par l’épuisement des modèles de développement qui ont porté et accompagné l’essor de la civilisation industrielle. L’impuissance de ces modèles à accueillir ce qui arrive, s’accompagne du refus de le penser à frais nouveaux.


5) A travers la Bible et le rituel fixé dans une « Fête des Tentes », se transmet la mémoire des quarante années durant lesquelles le peuple hébreu aurait vécu dans le désert. Entre une terre qui représentait l’oppression et une terre espérée, une terre sans mal. Quarante ans où le quotidien, c’était non seulement la recherche de la nourriture et de l’ eau, mais également le fait de dresser et de démonter, chaque jour, la tente, cette figure la plus immédiate de l’espace-temps. Quarante années où le campement provisoire s’ organisait en vis-à-vis de la tente dite « de la rencontre », autrement nommée : « la Demeure ». Comment trouver à demeurer en marchant ? à se déplacer en demeurant ? Comment marcher sans tourner en rond ? et ne pas perdre pied en demeurant ? Questions aussi vieilles que notre humanité.

Cela dit, la tente donne figure à bien des réalités.


– Elle est une des manières propres à l’ homme de revendiquer son humanité, là où des forces hostiles s’emploient à ne le considérer que sous l’angle des besoins primaires de son animalité. Dresser une tente, c’est comme dresser une table, comme dresser un drapeau.


– Elle donne forme à une capacité qui fait corps avec l’homme : celle d’avoir un ciel tissé dans la tête. Un ciel que l’on appellera, au choix, un imaginaire, une utopie, une espérance, une idéologie, une vision, etc. Un ciel qui appelle à se dresser debout, là où l’injustice somme l’homme de se coucher face contre terre.


– Et puis, elle est ce qui cache. Et qui cache visiblement, pour mieux tromper. Devant les différents pouvoirs qui prétendent avoir regard sur tout, – et cela commence par la surveillance des parents que les enfants déjouent en se bâtissant des cabanes -, face aux pouvoirs qui se réservent le dernier mot sur tout, la tente oppose le signe du grand large de la vie que rien ne peut contenir.

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