Alors que le gouvernement se lance dans une opération déminage quant à sa future loi immigration, de plus en plus de migrants tentent de rallier la Grande-Bretagne par le port normand de Ouistreham. Sur place, la tension monte.
REPORTAGEC’est une rencontre très attendue par les associations d’aides aux migrants. Edouard Philippe leur a donné rendez-vous jeudi à Matignon. Au cœur des discussions : la politique migratoire du gouvernement. Les orientations du futur projet de loi sur l’immigration et l’asile sont jugées inacceptables, inhumaines même par ces associations, qui estiment que la France doit faire plus pour accueillir les migrants. Mais alors que les images de de la jungle de Calais ont fait la Une en 2016, c’est désormais un autre port de France qui fait office de porte d’entrée vers la Grande-Bretagne : Ouistreham où depuis des mois des dizaines de migrants affluent pour tenter de monter dans un ferry.
« Ouistreham ne doit pas devenir le nouveau Calais », a déjà prévenu le maire LR de la ville, Romain Bail. Mais aujourd’hui la tension monte. La ville, une station balnéaire normande, est embourbée dans une situation qu’elle n’avait jamais connue, à deux doigts de se déchirer. La reporter d’Europe 1 a pu y assister à des scènes déjà vues, il y a un an, dans le Pas-de-Calais.
150 migrants en périphérie de la ville. Au rond-point de l’entrée de la ville, un camion ralentit : cinq jeunes hommes soudanais surgissent d’un petit bois, entre les voitures, ils courent derrière le semi-remorque et tentent d’y monter. Mais les portes restent fermées. Parmi eux Ada, 17 ans. « J’essaye tout le temps, tous les jours. La police ici veut m’arrêter et me renvoyer en Italie », souffle-t-il à Europe 1. Monter à bord d’un ferry, caché dans un camion, pour rallier l’Angleterre, ces jeunes en rêvent. 150 migrants, soudanais pour la plupart, errent aujourd’hui dans Ouistreham. Mais plus vraiment dans le centre-ville, chassés dès qu’ils s’approchent de l’embarcadère, comme l’a constaté François, membre du collectif d’aide aux migrants de la ville. « Les patrouilles de police sont organisées pour bloquer les entrées de la place, et les empêcher de venir jusqu’ici. Quatre à cinq voitures tournent en permanence jour et nuit », rapport-t-il.
La tension monte avec les forces de l’ordre. Quelques secondes plus tard, un groupe de gendarmes vient déloger quatre migrants assis sur un banc. Le ton monte, mais pas besoin d’utiliser la bombe lacrymogène, « pas cette fois-ci », nuance un restaurateur qui, depuis son comptoir, a assisté à la scène.
Des riverains excédés. Les forces de l’ordre auraient aussi gazé les duvets des migrants qui dormaient dans la forêt selon plusieurs témoignage, et confisqué leur tente. Quelques-uns sont accueillis chez l’habitant, mais beaucoup vivent dehors, en bas de chez Guillaume notamment. « On voit les sacs poubelles qui traînent un peu partout. J’ai peur qu’un jour quelqu’un qui vit ici pète les plombs et prenne à parti les migrants. Il faudrait faire quelque chose avant d’en arriver là », plaide ce riverain. Ouvrir un local par exemple, mais le maire fait la sourde oreille. Il s’estime lui-même abandonné par les pouvoirs publics.