20 avril 2016
Après Calais, le littoral Nord : enfermer et menacer d’expulser au lieu de protéger
Suite à la destruction d’une partie de la jungle de Calais, des exilés qui cherchent à gagner le Royaume Uni se regroupent autour d’autres points de passage, en Belgique et sur tout le littoral nord français. Aux abords des ports de Ouistreham (Caen) et de Cherbourg en premier lieu, mais aussi de Roscoff, Saint Malo, Le Havre, Dieppe ou même de petits ports de l’ouest du Cotentin.
Déjà présents dans certains de ces lieux, leur nombre se multiplie, et démontre que la fermeture de la frontière franco-britannique demeure le problème principal. Démanteler Calais ne fait que reporter le problème ailleurs, de façon plus diffuse.
Sur place, parmi les réponses institutionnelles, la volonté des préfets est clairement affichée : dissuader pour éviter des Calais bis. Cette dissuasion prend notamment la forme d’expulsions de squats ou de campements, mais aussi d’interpellations qui se multiplient dans ces ports et alentours. Elle passe aussi par une pratique administrative illégale : enfermer ces personnes dans des centres de rétention au prétexte de vouloir les expulser, avec pour seul objectif réel de les disperser et de les dissuader de revenir vers ces ports.
La préfecture du Pas-de-Calais avait déjà utilisé cette méthode à grande échelle fin 2015, enfermant 1200 exilés ressortissants de pays en guerre vers lesquels l’autorité administrative sait que l’expulsion est impossible.
Désormais les préfectures de la Manche et du Calvados sont à l’œuvre et enferment des Iraniens, des Afghans, des Irakiens, notamment dans le centre de rétention de Rennes. Autant de personnes fuyant des pays en guerre, ou faisant état de persécutions dans leur pays d’origine en raison de leur opinion politique, leur orientation sexuelle ou leur religion.
Présente au sein du centre de rétention de Rennes, La Cimade est témoin de ces abus. Depuis janvier, près de 140 exilés ont ainsi été enfermés au lieu d’être protégés. Certains d’entre eux, venaient juste de réussir à gagner le Royaume-Uni qui les a refoulés vers la France, sans tenir compte de leur souhait d’introduire une demande d’asile.
D’autres, interpelés dans les ports sont d’abord privés de liberté dans des locaux de rétention notamment à Cherbourg où les associations et avocats ne sont pas présents, puis amenés à Rennes ce qui réduit fortement la possibilité de saisir la justice. Certains sont séparés de leur famille, d’autres sont mineurs isolés ou enfermés pour la quatrième fois derrière les barreaux de la rétention. Ils sont ainsi privés de leur liberté au mépris de leurs droits les plus fondamentaux.
Tous sont finalement libérés, soit par la préfecture, soit par les juges qui sanctionnent les multiples atteintes aux droits inhérents à ces pratiques. Ces personnes retournent à la précarité de l’errance et des lieux qu’elles peuvent trouver pour vivre dans l’attente du passage. Bâtiment désaffecté à Roscoff, ancienne chapelle à Cherbourg, hébergements d’urgence.
Si les autorités françaises œuvrent pour un meilleur accès au droit d’asile, elles ne peuvent cautionner de telles pratiques qui bafouent les droits les plus fondamentaux et la dignité humaine de ces personnes. La Cimade demande l’arrêt immédiat de l’enfermement illégal de ces personnes en rétention.
Depuis l’été 2015, la multiplication des placements en rétention de ces personnes en recherche d’une protection a engendré une dégradation très forte des conditions d’intervention de La Cimade. Cette situation ingérable ne lui permettant plus d’assurer de façon satisfaisante sa mission d’accompagnement à l’exercice effectif des droits, l’association s’est retirée du centre de rétention de Rennes du 18 au 20 avril.