Comment les communes du Boulonnais s’adaptent pour accueillir les migrants naufragés

Samedi 21 août restera une date marquante  dans le Boulonnais. Pas seulement pour les sauveteurs de la SNSM et les équipages des navires de la Marine nationale, qui ont récupéré une centaine de migrants en mer. Les élus et agents de plusieurs communes du Boulonnais s’en souviendront eux aussi. Ils ont accueilli une grande partie de ces naufragés. Une mission qui devient récurrente, en particulier pour les communes situées près de la forêt d’Écault, un des lieux de passage privilégiés, cette année.

« Nous avons accueilli 25 migrants ce samedi-là, explique Brigitte Passebosc, maire de Saint-Étienne-au-MontÇa fait plusieurs fois qu’on est sollicités par les sapeurs-pompiers ou les gendarmes. On nous demande d’ouvrir une salle quand ils sont mouillés ou quand il y a des enfants. »

« Détresse »

Le centre d’animation jeunesse, près du camping, était disponible ce jour-là. « Il y a de quoi prendre une douche, des toilettes, de quoi recharger des téléphones… » Ils y sont restés « de 9 heures à 13 heures ». Parmi eux, « un bébé de neuf mois ». « Je ne me vois pas dire non. Ces gens sont en détresse. »

 

Une opération de sauvetage a été menée le 13 août à Neufchâtel-Hardelot. PHOTO ARCHIVES SÉBASTIEN JARRYUne opération de sauvetage a été menée le 13 août à Neufchâtel-Hardelot. PHOTO ARCHIVES SÉBASTIEN JARRY

Christian Fourcroy, maire d’Équihen-Plage, a lui aussi été appelé ce jour-là. « C’était vers 7 heures, pour une vingtaine de migrants. Ils n’étaient pas mouillés, donc on ne m’a pas demandé d’ouvrir la salle. » Il a toutefois mobilisé les services de la ville pour dégager les bateaux. « Ça fait partie de notre devoir. »

 

« Une question d’humanité »

Toutes les municipalités ont été appelées au moins une fois, depuis début janvier, pour mettre à disposition des naufragés un abri. À Neufchâtel-Hardelot, un abri leur a été proposé àn deux reprises,  indique Paulette Juilien-Peuvion, la maire. Idem à Dannes, où « la salle du camping a été ouverte pour les accueillir », confie Olivier Carton, le maire. À Audinghen, c’est arrivé une fois. « C’était vers 3 heures du matin, le lendemain de l’Ascension, précise Marc Sarpaux, le maire. On ne peut pas les obliger à venir dans la salle, par contre. Il faut qu’ils acceptent. »

 

À Dannes, la salle du camping a été mise à disposition des naufragés à deux reprises cet été.À Dannes, la salle du camping a été mise à disposition des naufragés à deux reprises cet été.Hervé Leclercq, à Condette, est l’un des premiers maires du secteur à avoir lancé un tel dispositif. C’était en novembre. « Il faisait à peine 3ºC, ils étaient trempés. On n’avait rien, à l’époque… C’était une question d’humanité. » Depuis, il a créé des stocks de nourriture, investi dans des bouilloires et récupéré des vêtements chez Emmaüs. « Humainement, c’est indispensable de les accueillir. Ça engendre des coûts, mais comment faire autrement ? »

(1) Société nationale de sauvetage en mer.

Une procédure calée entre préfecture et mairies

Début 2021, les municipalités ont été contactées par la préfecture du Pas-de-Calais afin de communiquer leur capacité d’hébergement temporaire et un numéro d’astreinte. « Lorsque ces situations d’urgence surviennent, les collectivités sont systématiquement accompagnées par les services de l’État », assure la préfecture.

Un protocole créé en 2020

Elle rappelle que depuis l’été 2020, un « protocole de prise en charge des naufragés » est déployé. Celui-ci prévoit, notamment, l’intervention des « équipes de la protection civile », 24 heures sur 24 et tout au long de l’année, sur le lieu de la découverte de personnes en difficultés.

La protection civile intervient régulièrement lors des opérations de sauvetage qui concernent des migrants, comme ici, en juin, à Boulogne. PHOTO ARCHIVES «LA VOIX»

« Les bénévoles de la protection civile peuvent, le cas échéant, mobiliser sur les plages des tentes chauffées, un réassort de vêtements pour les personnes mouillées et organiser l’attente en vue d’une réorientation des publics vers une structure d’hébergement départementale, précise la préfecture. Ils sont également en capacité d’équiper en couchage des salles communales. » Ce dispositif, qui s’ajoute à celui déployé par les mairies en attendant l’arrivée de la protection civile et des associations, « est entièrement financé par l’État ». Les naufragés sont ensuite pris en charge par les autorités. Ou repartent, pour retenter, plus tard, la traversée.

Plusieurs maires demandent des moyens

Quand elles accueillent des naufragés, les municipalités sont souvent alertées au petit matin. La débrouille prime, dès lors, pour trouver de quoi manger et s’hydrater. En attendant l’arrivée des bénévoles de la protection civile, toutes proposent des boissons chaudes, du lait et des denrées non périssables, comme des biscuits secs. « On fait avec les moyens du bord », confie Thibaut Segard, maire de Tardinghen.

On est allés faire des courses dès qu’on a su qu’il faudrait ouvrir la salle », explique Laurence Prouvot, maire de Wissant, où le dispositif a été mis en place une fois cet été. À Saint-Étienne-au-Mont, après l’arrivée de 25 naufragés, le 21 août, la question était de « refaire le stock ». « On fait des courses en amont, explique la maire, Brigitte Passebosc. Pour le moment, le budget que cela demande reste raisonnable. Mais si ça se poursuit, ça peut devenir plus compliqué. »

« On essaie tous de s’adapter au mieux »

« Tout est une question de récurrence, estime Olivier Carton, le maire de Dannes. Il faut tendre la main. Mais si on me demande de faire ça à chaque fois, à un moment, ça va chiffrer. »

Un point également souligné par la maire de Neufchâtel-Hardelot, Paulette Juilien-Peuvion. « On a besoin d’un bus, d’un chauffeur, de denrées, de désinfecter et de nettoyer les lieux… Pour le moment, aucune indemnisation n’est prévue pour ça. J’en ai parlé à la sous-préfète. Mais l’État est un peu comme nous, en ce moment. On essaie tous de s’adapter au mieux. »