Jean Dussine, président d’itinérance Cherbourg, nous relate l’expulsion du terrain où (sur)vivaient des exilés à Cherbourg.
« Pour la quatrième fois depuis le 15 mai 2016, le camp de migrants de Cherbourg a été démantelé.
Le 11 avril 2017 à 7h du matin, les forces de l’ordre sont intervenues sur le terrain Nordez, dans le quartier du Maupas, où des exilés s’étaient installés depuis début février, accompagnés par l’association Itinérance, face à un nouveau refus catégorique du Maire de Cherbourg de leur accorder un abri pour la nuit. Ce terrain municipal, « historique » puisqu’il a accueilli pendant des années des migrants souhaitant rejoindre l’Angleterre ou l’Irlande, était occupé pour la troisième fois depuis moins d’un an, un autre squat s’étant installé de manière éphémère sur un terrain privé.
Suite à la demande conjointe de la municipalité de Cherbourg en Cotentin et de la Préfecture de la Manche, le Tribunal Administratif de Caen avait prononcé sa fermeture le 22 mars 2017.
Le 11 avril, il y avait sur le camp une vingtaine d’hommes dont 8 demandeurs d’asile non hébergés par les services de l’état et 1 mineur non accompagné. Ces hommes étaient originaires d’Afghanistan, d’Albanie et du Pakistan.
La grande nouveauté par rapport aux précédentes expulsions a été le modus operandi puisque ;
- d’une part tout s’est fait dans la plus grande discrétion, ni les journalistes ni la majorité des élus municipaux n’ont été mis au courant.
- D’autre part il a été fait usage d’un bulldozer et de deux tracteurs avec des remorques pour nettoyer le camp très rapidement, si rapidement que les personnes présentes n’ont pas pu récupérer leurs effets personnels, vêtements, sacs, chaussures, téléphone et argent pour certains. Trois demandeurs d’asile ont même perdu leurs documents personnels. Pour l’anecdote, le bulldozer a même commencé à enlever une tente dans laquelle un jeune demandeur d’asile Pakistanais dormait encore, il a réussi à s’échapper avant de partir à la benne !
Itinérance a perdu tout le matériel mis à disposition des exilés : tentes, bâches, jerricans pour l’eau, brasero, planchers pour isoler du froid, … Lors des autres expulsions, la municipalité nous laissait 1 ou 2 jours pour récupérer ce que nous voulions.
Bien sûr Itinérance est d’accord avec le constat de la municipalité qui avance que ce camp était insalubre et inhumain. Les élus disent donc que c’est par humanité qu’il a été détruit. La grosse divergence de jugement tient en deux points :
- la plus grande partie des hommes présents sur le camp ayant été relâchés très vite, un nouveau camp s’est formé le soir même dans des conditions tout aussi inhumaines et insalubres ce qui prouve encore une fois que fermer un camp ne résout pas le problème mais ne fait que le déplacer, comme l’avait reconnu Bernard CAZENEUVE en 2010 lorsqu’il était maire de Cherbourg.
- Nous pensons qu’il aurait été très facile d’améliorer les conditions de vie sur ce camp en y installant un point d’eau, puisqu’une conduite passe sur le terrain, et l’électricité. Ceci aurait permis l’installation de sanitaires avec toilettes et douches, ce qui aurait rendu le camp beaucoup plus salubre.
Itinérance réclame toujours l’hébergement de tous les sans-abris quels que soient leur origine, leur statut ou leur projet. L’association réclame aussi l’hébergement de tous les demandeurs d’asile présents à Cherbourg conformément au droit français et aux règlements européens. »