CALAIS / Auberge des Migrants : lettre ouverte au gouvernement et aux élus

Lettre ouverte

M. le Premier Ministre
M. le Ministre de l’Intérieur
M. le Préfet du Pas de Calais
M. le Sous-préfet de Calais
M. le Président du Conseil Régional Nord-Pas de Calais
M. le Président du Conseil Général du Pas de Calais
Mme la Maire de Calais
Mrs et Mmes les élus locaux

Jeudi 17 juillet 2014, en fin d’après-midi, l’association l’Auberge des Migrants, avec l’appui de citoyens calaisiens, a distribué des repas aux 750 migrants qui se sont présentés quai de Moselle. Grâce au dialogue entre bénévoles et migrants, et au calme de ces derniers, une file d’attente de près de 250 mètres a été constituée et gérée durant deux heures.

Une semaine auparavant, ce nombre s’élevait à 500. Dans une semaine, il sera peut-être de 900.

Cette situation est extrêmement fragile. L’état psychologique des migrants est très préoccupant. Les tentatives de passage vers l’Angleterre, de jour comme de nuit, la pression de la police (contrôles, coups, arrestations) les stressent. La recherche d’un endroit pour dormir, le manque de couvertures et de tentes pour s’abriter les épuisent . Le manque d’hygiène faute de douches et de points d’eau les laissent dans une situation indigne. Le manque de nourriture affaiblit ceux (la majorité) qui n’ont pas les moyens de compléter par des achats le seul repas qui leur est distribué chaque jour. Le moindre aléa dans la distribution, comme cela s’est produit la semaine dernière du fait d’un orage, peut transformer cette file d’attente en une foule énervée et excitée , qui se dispute les repas autour des fourgons des associations.

Il est étonnant qu’aucune violence, aucun débordement, aucun vol, aucune agression contre des riverains, aucun conflit entre communautés, aucune tentative de passage en masse, n’aient encore eu lieu. Il est étonnant que les femmes et les mineurs qui ne trouvent pas de place dans les structures prévues pour leur accueil n’aient pas subi de violences.

Les bénévoles de notre association atteindront bientôt les limites de leur engagement : limites en temps, en moyens financiers, en personnes pour gérer une file d’attente de plus en plus importante, en capacité de répondre aux besoins les plus urgents. De plus ils ne peuvent plus travailler sur le lieu de distribution, maintenant fermé. Leur investissement a dû s’accroître encore depuis deux semaines pour tenter de renouveler les couvertures et les tentes détruites par les forces de l’ordre lors de la dernière expulsion, rue de Moscou, et pour faire face à l’augmentation du nombre de migrants. Si les bénévoles et leurs associations jettent l’éponge, la situation sera catastrophique pour tous.

Nous vous demandons instamment, parce qu’il est extrêmement urgent, de :

  • De rétablir un dialogue constructif avec les associations, qui sont cohérentes et unies dans leurs actions ;
  • De ne plus prendre de mesure violente, fût-elle légale, à l’encontre des migrants et de leurs maigres biens ;
  • De veiller à ce que les forces de l’ordre respectent strictement la légalité républicaine dans leurs missions ;
  • D’accepter dans un premier temps que la situation se stabilise en matière de lieux occupés de façon précaire par les migrants ;
  • D’ouvrir d’urgence des places pour les femmes, une trentaine, qui dorment dans la rue ou dans des jungles, faute de place route de Saint-Omer ;
  • D’ouvrir d’urgence des places pour les enfants et adolescents, une centaine, qui ne souhaitent pas rester en France ;
  • De prendre dès que possible des initiatives à même de faciliter le travail des associations et des services publics de santé : réouverture du lieu de distribution, mise à disposition de poubelles, de points d’eau, de douches et de toilettes en nombre suffisant, octroi de subventions complémentaires permettant d’acheter le minimum de nourriture nécessaire ;
  • Et surtout de rouvrir le dossier des promesses faites par M. Valls, concernant un accueil minimal, conforme aux lois et règlements français et européens, et aux droits humains.

Notre association est consciente que l’afflux des migrants à Calais est un phénomène inexorable. Les réponses à moyen terme sont du ressort de l’Union Européenne et des États français et anglais. A court terme, la situation ne peut pas être gérée sans un consensus entre les associations et les autorités. Ce consensus, qui semblait acquis il y a quelques semaines, a été brisé du fait de l’accroissement du nombre de migrants et des dernières mesures prises.

Nous vous envoyons ce courrier comme un signal d’alerte extrêmement fort, dans la crainte d’une catastrophe humaine.

Auberge des Migrants

Communiqué aux medias locaux, régionaux, nationaux et européens.

Cette lettre a été relayée sur le site de Médiapart.

2014_07_12_Calais_Solidarity Migrants_O2e-7656 (Copier)