Ils avaient participé à la rédaction du Journal des Jungles n° 7.
6 mois après, ils l’ont lu et racontent ce qu’ils sont devenus.
Mahamoud, Mohammed et Jobeni vivaient dehors, dans le parc des Olieux, à Lille.
Mahamoud
A ce jour ma minorité n’a toujours pas été reconnue. Le problème de mes papiers soi disant faux est arrivé au Ministère des affaires étrangères qui vient de décider qu’ils ne le sont pas. Mais j’aurai 18 ans dans un mois. J’ai perdu un an. Est ce que je peux porter plainte ?
Je dors chez un ami. L’important c’est d’aller à l’école. Je suis une formation de comptabilité et gestion.
Je suis content de voir ce journal et d’y avoir participé. C’est une trace. Aujourd’hui, il n’y a plus rien au square des Olieux.
Je vais le garder. Ça fait partie de ma vie : les photos , les amis rencontrés que je ne reverrai plus.
Mohamed
Je vais à l’école, je suis en bac pro ‘système numérique’. Je vais faire un stage au Fresnoy, lieu de diffusion et de productions artistiques, audiovisuelles et multimédia. Moi ce que m’intéresse c’est le cinéma d’animation.
Je suis hébergé dans une famille qui m’aide beaucoup, pour mes devoirs par exemple. Cette famille est d’accord pour que je reste chez elle même lorsque je pourrai aller en foyer. J’ai beaucoup de chance d’avoir des personnes qui m’encouragent.
Mon seul problème : ma minorité n’est toujours pas reconnue.
Les difficultés ne sont pas faites pour détruire la vie mais pour te l’enseigner.
Aujourd’hui, je peux dire Dieu merci.
Joël/Jobéni – L’interview, suite…
Coco m’avait dit que si mon interview n’avait pas marché c’était parce que je parlais trop bien français. Je suis parti à Lille et j’ai fait semblant d’être quelqu’un qui ne savait pas parler français. J’ai déformé ma manière de parler et à EMA (Dispositif Évaluation Mise à l’Abri), lors d’un entretien, il m’ont même trouvé un interprète. Je suis allé aux cours de français proposés par le collectif parce qu’à la fin on avait un repas. Mais c’était difficile de jouer ce rôle. Lors d’une réunion avec tout le monde, les jeunes et les gens du collectif, j’étais très en colère à cause d’une pagaille occasionnée par une distribution de vêtements. Et j’ai parlé normalement. Personne n’était content. Tous me disaient que je m’étais moqué d’eux.
Mon parcours depuis le mois de mai ? Une semaine au parc des Olieux. Et je me suis souvenu avoir connu des jeunes qui avaient quitté la mise à l’abri de Saint Omer pour retourner dans la jungle de Calais. Je me suis dit que c’était parce que ça devait être bien, mieux que dormir dans une tente qui fuit. Une semaine à Calais avec 2 essais de passage en Angleterre. C’était pire que le parc. J’y suis revenu.
Et puis, c’est la grâce de Dieu : ma minorité reconnue en 2 semaines, une place dans un foyer au bout d’un mois et maintenant un appartement, l’opération de mon oreille en août et l’école en octobre. D’abord en CAP ‘carreleur’, la prof de français m’a dit que je n’étais pas à ma place et je suis maintenant en Bac pro ‘installation thermique et sanitaire’. Après ce sera un BTS.
Je ne suis pas encore arrivé où je dois être.
Mais je ne suis plus où j’étais. J’ai quitté l’exode.
Les jeunes de la Maison du Jeune Réfugié à Saint Omer
Afzaal est en contrat d’apprentissage ‘installateur thermique’ à Arras.
Aldelsalam et Roland suivent une formation de charpentier, Assadullah une formation de peintre et ils sont toujours à Saint Omer, en appartement.
Zakir vient d’Afghanistan. Dans le JdJ, il envoyait un message aux Nations Unies.
En septembre dans le journal de la Maison du Jeune Réfugié de Saint Omer, il écrivait:
J’aime la France mais je ne veux pas faire ma vie ici pour la simple raison que mon oncle vit et travaille en Angleterre depuis plusieurs années. Nous attendons impatiemment le jour où nous nous retrouverons enfin…Après quoi, je pourrai à nouveau rêver d’une nouvelle vie et d’un plus bel avenir.
Il a pu profiter du rapprochement familial et rejoindre son oncle en Angleterre.